vendredi 5 avril 2013

Il serait temps de compléter les rues…

Trop souvent, de nouvelles rues sont construites et des rues existantes sont repavées en tenant compte exclusivement de la perspective des automobilistes. Quant aux piétons, ils doivent fréquemment partager les trottoirs (lorsque ceux-ci sont présents) avec les cyclistes qui ne se sentent pas en sécurité sur les rues où les voitures circulent rapidement et où les infrastructures sont inadéquates pour le vélo. Ce contexte fait en sorte que le partage de la route ne se fait souvent pas dans l’harmonie.

C’est cette problématique qui est ciblée par le concept des « rues complètes » (ou complete streets dans la langue de Shakespeare). Il s’agit essentiellement d’une politique qui requiert que les décideurs considèrent également les besoins des piétons, cyclistes utilisateurs du transport en commun et automobilistes de tous âges lors de la construction, la rénovation et l’entretien de toutes les rues et routes sous leur juridiction. Le développement de rues complètes peut contribuer à augmenter l’utilisation du transport actif tout en réduisant le risque d’accidents routiers.

Le terme complete streets a été utilisé pour la première fois aux États-Unis. La ville de Portland en Oregon est la métropole Nord-Américaine où la part modale du vélo est la plus élevée (environ 6%) et elle est aussi à l’avant-garde quant à l’implantation des rues complètes. Cela dit, la transformation de Times Square en rue complète est un exemple plus frappant comme vous pouvez le constater sur la photo ci-dessous.


Les rues complètes Européennes…

Cependant, les États-Uniens ont seulement donné un nouveau nom à quelque chose qui existe depuis longtemps en Europe… En effet, cette philosophie est bien intégrée aux politiques de transport d’Europe du Nord depuis environ 40 ans. Le code de la route des Pays-Bas en est probablement l’exemple le plus éloquent. Les mesures d’apaisement de la circulation sont implantées à l’échelle du quartier et non à la pièce, de façon nébuleuse comme en Amérique du Nord. Les infrastructures cyclables Néerlandaises sont réputées à travers le monde (Pucher et Buehler, 2008), mais ce qui est moins connu c’est que le type d’aménagement est déterminé de façon systématique, principalement en fonction du type de route, des limites de vitesse et du nombre de voies dédiées aux automobilistes.

Ainsi, les ruelles peu passantes n’ont aucune infrastructure cyclable et piétonnière, sauf que les limites de vitesse y sont très basses (15 km/h ou moins) et les piétons et cyclistes ont souvent priorité sur les automobilistes. J’ai déjà parlé de ces rues, appelées woonerf en Néerlandais (et spielstrassen en Allemand) sur ce billet. Quant aux rues avec des limites de vitesse de 30 km/h, la présence de trottoirs et de bandes cyclables (voir d’accotements asphaltés) peut être suffisante. Elles peuvent être accompagnées de mesures d’apaisement de la circulation comme des « dos d’âne ». Par contre, des bandes cyclables séparées du trafic (ou cycle tracks un peu comme la « piste cyclable » de l’avenue Laurier à Ottawa ou celle de la rue Berri à Montréal) sont généralement requises pour les rues avec un volume de circulation et/ou une limite de vitesse plus élevées.

Les rues complètes peuvent se concrétiser de différentes manières. Par exemple, lorsque je suis allé à Helsinki en Finlande, j’ai observé que dans la plupart des rues du centre-ville, il y a de très larges trottoirs dont la moitié est réservée au vélo et l’autre aux piétons, comme vous pouvez le constater sur la photo ci-dessous. Et le centre de la rue est souvent consacré au tramway électrique. Comme j’ai marché une bonne vingtaine de kilomètres par jour lors de mon séjour, j’ai pu observer que les piétons et cyclistes y cohabitent très bien ! Les infrastructures de la ville de Jyväskylä sont également dignes de mention. Une particularité du code de la route Finlandais est que les amendes sont proportionnelles au revenu des conducteurs fautifs, une façon de faire en sorte que les mieux nantis ne se fichent pas des règles de la circulation comme de l’an 40.



Ainsi, pour que les rues soient considérées comme étant complètes, il n’est pas nécessaire de construire des pistes cyclables multifonctionnelles en site propre partout. Le type d’aménagements devrait être déterminé en fonction des caractéristiques des rues. Autrement dit, il s’agit d’une approche flexible qui peut facilement être adaptée au contexte local. « Penser globalement, agir localement » comme dit le slogan bien connu !


Les rues complètes à Ottawa…

Il existe un certain nombre de rues complètes à Ottawa, mais comme je le mentionnais précédemment, elles sont mises en place à la pièce, et non de façon systématique. Pour remédier à cette situation, l’organisme Écologie Ottawa mène présentement une campagne pour convaincre le maire Jim Watson et la ville d’Ottawa d’adopter une politique sur les rues complètes. Vous pouvez obtenir davantage de renseignement sur cette campagne sur ce site web ; vous pouvez également y signer une pétition. L’objectif est d’obtenir plus de 5 000 signatures d’ici le mois d’août 2013. Sachez qu’il s’agit d’un moment stratégique parce que la ville est engagée dans un processus de mise à jour de ses politiques à long terme en matière de transport.

Bref, comme dirait Columbo, « élémentaire mon cher Watson ! »…

1 commentaire:

  1. Si vous êtes intéressés par le sujet, je vous recommande cet article paru sur le blogue Copenhagenize qui décrit les infrastructures cyclables Danoises en fonction du type de route et de la vitesse des véhicules: http://www.copenhagenize.com/2013/04/into-country.html

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