vendredi 26 avril 2013

Le 1% et le 99% en matière d’activité physique

À moins d’avoir dormi au gaz durant les dernières années, vous êtes certainement au courant du concept du 1% et du 99% proposé par le mouvement Occupy Wall Street et repris ensuite à travers le monde. Pour ceux qui ont dormi au gaz, l’idée est que depuis les 30-40 dernières années, les inégalités de revenus entre les plus riches et les plus pauvres ne cessent de s’accroître. Qui plus est, les plus riches ont profité de la crise économique de 2008 pour « sauver les banques » (sic) et imposer des mesures d’austérité qui ont eu pour effet d’accentuer encore davantage les inégalités économiques.

Aujourd’hui, il sera question d’une autre situation ou ces fameux pourcentages ont été constatés. D’abord, j’avais déjà discuté des résultats de l’Enquête Canadienne sur les Mesures de Santé sur ce blogue. Brièvement, seulement 7% des jeunes âgés de 6 à 19 ans accumulent au moins 60 minutes d’activité physique d’intensité moyenne à élevée par jour (Colley et al., 2011). Cette même enquête a mis en évidence un déclin marqué de la condition physique et une augmentation importante des taux d’embonpoint et d’obésité par rapport au données du l’Enquête Canadienne sur la condition physique de 1981 (Tremblay et al., 2010).

Des collègues de l’Université de Toronto ont récemment publié une étude sur la pratique d’activité physique des jeunes en 5è et 6è année dans la région de Toronto et Hamilton (Stone et al., 2013). Dans cette étude, les chercheurs ont demandé à 1001 participants de porter un accéléromètre (tel qu'illustré ci-dessous) pendant 7 jours pour mesurer leur pratique d’activité physique. Ils ont harmonisé autant que possible leurs méthodes d’analyse des données récoltées à l’aide des accéléromètres avec celles de l’Enquête Canadienne sur les Mesures de Santé.



Leur résultats indiquent que seulement 1% des participants accumulaient au moins 60 minutes d’activité physique d’intensité moyenne à élevée par jour tel que recommandé par l’Organisation Mondiale de la Santé et plusieurs autres organisations. Ces résultats corroborent ceux de l’Enquête Canadienne sur les Mesures de Santé comme quoi la grande majorité des jeunes sont insuffisamment actifs. Par contre, ils remettent en question l’idée reçue (et plutôt simpliste d’ailleurs) que les jeunes qui habitent en ville sont forcément plus actifs parce qu’ils ont accès à plus de ressources (ex : équipes sportives).

Les résultats de cette étude sont choquants et j’ose espérer qu’ils contribueront à faire en sorte que des interventions d’envergure seront mises en place pour augmenter la pratique d’activités physiques. J’ai récemment discuté de quelques pistes de solution à cet égard sur ce blogue.


Est-ce que le 1% des gens les plus riches et le 1% des gens suffisamment actifs sont les mêmes individus ?

Puisque je m’attendais à ce qu’on me pose la question, je tiens à préciser que ce n’est pas nécessairement les mêmes individus qui composent ces 2 sous-groupes de 1%. Des chercheurs Européens ont examiné systématiquement 131 études qui ont évalué le lien entre le niveau socio-économique et la pratique d’activités physiques (Beenackers et al., 2012). En général les gens ayant un niveau socio-économique élevé faisaient plus d’activité physique dans leurs loisirs tandis que les gens ayant un niveau socio-économique plus faible étaient plus actifs dans le cadre de leur travail. Au bout du compte, le niveau socio-économique n’avait pas un effet considérable sur la pratique d’activités physiques totale (incluant les activités effectuées au travail, à la maison, dans les loisirs et le transport actif).

Par contre, il a été démontré à maintes reprises que les inégalités socio-économiques sont associées à de moins bons indicateurs de santé et à la mortalité prématurée. L’étude Whitehall en est un exemple éloquent (Marmot et al., 1991). Les plus démunis ont souvent un moindre accès aux soins de santé, particulièrement les soins de santé privés qui coûtent une fortune. Il est aussi à noter que les fruits et légumes et les produits laitiers sont souvent plus dispendieux que les aliments moins bons pour la santé. La précarité pourrait également être associée à davantage de problèmes comme l’anxiété et la dépression.


Références

Beenackers, M. A., Kamphuis, C. B. M., Giskes, K., Brug, J., Kunst, A. E., Burdorf, A. and van Lenthe, F. J. (2012) Socioeconomic inequalities in occupational, leisure-time, and transport related physical activity among European adults: a systematic review. International Journal of Behavioral Nutrition and Physical Activity, 9, 116.

Colley, R.C., Garriguet, D., Janssen, I., Craig, C.L., Clarke, J., Tremblay, M.S. (2011). Physical activity of Canadian children and youth: Accelerometer results from the 2007 to 2009 Canadian Health Measures Survey. Health Reports, 22 (1).

Marmot MG, Stanfield S, Patel C. et al. (1991). Health inequalities among British civil servants: the Whitehall II study. The Lancet, 337, 1387-1393.

Stone MR, Faulkner GE, Buliung RN. (2013). How active are children in Toronto? A comparison with accelerometry data from the Canadian Health Measures Survey. Chronic Disease and Injuries in Canada, 33, 61-68.

Tremblay, M. S., Shields, M., Laviolette, M., Craig, C. L., Janssen, I., & Connor Gorber, S. (2010). Fitness of Canadian children and youth: Results from the 2007-2009 Canadian Health Measures Survey. Health Reports, 21 (1).

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