D’abord,
selon toute vraisemblance, l’objectif des deux articles était d’identifier les
modes de transport qui sont associés au plus grand nombre d’accidents reliés au
transport scolaire en comparant la ville de Montréal au reste du Québec. Ce sur
quoi l’auteur insiste, c’est qu’à Montréal, il y a un plus grand nombre
d’accidents chez les jeunes qui marchent, tandis qu’ailleurs au Québec, il y a davantage
d’accidents chez ceux qui utilisent le transport motorisé (voiture et autobus).
La marche est-elle vraiment plus
dangereuse?
Il
faut se rendre plutôt loin dans l’article pour y lire que les jeunes de
Montréal marchent davantage pour se rendre à l’école, particulièrement dans les
quartiers défavorisés. Dans ces quartiers, la marche est le mode de transport
scolaire le plus utilisé, mais il y a généralement plus de trafic que dans les
quartiers de banlieue parce que l’organisation typique des villes fait en sorte
que les banlieusards doivent fréquemment traverser les quartiers centraux
défavorisés pour aller travailler, et la grande majorité d’entre eux le font en
voiture. Il y a aussi un certain nombre d’habitants des quartiers défavorisés
qui utilisent la voiture comme mode de transport principal, sans oublier le
transport de marchandises et les autobus.
Ainsi,
les jeunes qui marchent dans les quartiers centraux défavorisés sont plus
exposés au risque de collision avec les véhicules motorisés. Il n’est donc pas
étonnant que la quantité d’accidents routiers soit plus élevée chez les jeunes
qui marchent dans les quartiers défavorisés.
Or,
le fait que la quantité d’accident y est numériquement plus élevée est une
chose, mais la quantité totale d’accidents mortels en est une autre, et il
s’avère qu’elle est très faible. Tel qu’indiqué dans l’article, 3 jeunes
Québécois sont décédés suite à une collision survenue alors qu’ils marchaient
pour se rendre à l’école entre 2006 et 2010 et la plupart des accidents
n’entraînent que des blessures mineures. Bien sûr qu’il serait préférable que
le nombre d’accident soit égal à zéro et il conviendrait de prendre des mesures
pour diminuer le nombre de blessures et de décès (j’y reviendrai plus loin dans
ce billet). Par contre, à la lumière des statistiques actuelles, il n’y a pas
lieu d’alarmer la population.
Dans
ce contexte, il aurait été pertinent que La
Presse mentionne l’envers de la médaille : soit les risques de ne pas
marcher (ou pédaler). Nous avons fait une revue exhaustive des études
scientifiques sur le sujet et environ 80% d’entre elles ont montré que les
jeunes qui marchent pour se rendre à l’école accumulent une plus grande
quantité d’activité physique par jour (Larouche et al., sous presse). Il est
clairement établit que l’activité physique a de nombreux bienfaits pour la
santé (Organisation Mondiale de la Santé, 2010). D’ailleurs, TOUTES les études
scientifiques que nous avons recensées ont montré que les jeunes qui vont à
l’école à vélo ont une capacité cardiovasculaire supérieure à celle de leurs
camarades.
Je
vous proposerai bientôt sur ce blogue un résumé d’une étude Française qui
illustre que les bienfaits du vélo sont plus de 20 fois supérieurs aux risques
dans la région Parisienne.
Message douteux…
D’autre
part, l’article « Plus risqué de
marcher jusqu’à l’école à Montréal » pourrait alimenter la crainte des
parents quant à la sécurité de leurs enfants, qui est déjà l’une des
principales raisons pour lesquelles des parents interdisent à leurs enfants de
se rendre à l’école à pied ou à vélo. En renforçant ces craintes, cet article
pourrait motiver les parents Montréalais à décider d’amener leurs enfants à
l’école en voiture au lieu de leur permettre d’y aller à pied ou à vélo. Or, ce
faisant, il y aurait une augmentation de la circulation automobile autour des
écoles, ce qui aurait pour effet d’augmenter le risque d’accident chez les
jeunes dont les parents n’ont pas les moyens d’acheter une voiture, en plus
d’une augmentation des émissions de polluants et de la sédentarité.
Pour améliorer réellement la sécurité
des déplacements des jeunes…
Il
serait préférable d’envisager d’autre types de mesure comme par exemple une
meilleure application des règles de la circulation, une diminution des limites
de vitesse (particulièrement dans les zones scolaires), l’amélioration de la
signalisation routière, l’aménagement de meilleures infrastructures cyclables
et piétonnières, l’ajout de « dos d’âne » pour motiver les
automobilistes à ralentir et l’implantation de pédibus, etc. En plus de réduire
le risque de blessures, plusieurs de ces mesures pourraient aussi favoriser le
transport actif.
De
plus, un autre facteur qui pourrait améliorer la sécurité des jeunes qui vont à
l’école à pied serait… une augmentation du pourcentage de jeunes vont à l’école
à pied ! En effet, plusieurs études scientifiques ont démontré que plus il y a d’individus
qui font du transport actif, moins le risque d’accident pour chaque piéton ou
cycliste est élevé (Elvik, 2009; Jacobsen, 2003).
Les résultats de la synthèse de Jacobsen
(2003) indiquent que lorsque le nombre d’utilisateurs du transport actif
double, la quantité totale d’accidents n’augmente que de 32%. Admettons par
exemple qu’on observe 1 décès pour 500 000 marcheurs à un moment donné, si
le nombre de marcheurs augmente ensuite de 500 000 à 1 000 000,
le nombre de décès augmenterait de 1 à 1,32. Ainsi, le risque passerait de
1/500 000 à 1,32/1 000 000 (donc 0,66 sur 500 000 si vous préférez).
Les statisticiens discuteraient de ce phénomène comme une diminution du
« risque relatif » d’accident – d’où le titre de ce billet !
Références
Elvik R. The non-linearity of risk and the
promotion of environmentally sustainable transport. Accident Analysis & Prevention. 2009;41(4):849-855.
Jacobsen PL. Safety in numbers: more walkers and
bicyclists, safer walking and bicycling. Injury
Prevention, 9, 205-209. 2003
Larouche R, Saunders T, Faulkner GEJ, Colley RC, Tremblay
MS (in press). Associations between
active school transport and physical activity, body composition and
cardiovascular fitness: a systematic review of 68 studies. Journal of
Physical Activity and Health.
En passant, un autre journaliste de la Presse, François Cardinal, a publié le 28 septembre un texte sur le sujet dont le message est remarquablement similaire à ce billet : http://www.lapresse.ca/debats/editoriaux/francois-cardinal/201209/27/01-4578262-sentiment-dinsecurite.php
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