lundi 14 novembre 2011

L’éléphant dans la pièce

Les plus récentes statistiques concernant les émissions de gaz à effet de serre (GES) Québécoises indiquent une modeste diminution de 2,5% par rapport à 1990, l’année de référence du Protocole de Kyoto. L’objectif que le gouvernement avait pris lors de la signature du protocole en 1997 – et qu’un dénommé Stephen Harper a qualifié de « complot socialiste » (sic) avant de l’abandonner carrément – consistait en une diminution moyenne[i] de 6% des émissions pour la période de 2008-2012, comparativement à celles de 1990.

Conséquence de l’hypocrisie du gouvernement Canadian, les émissions de GES ont augmenté de 590 à 690 mégatonnes d’équivalents en CO2[ii] entre 1990 et 2009, une augmentation de 16,9%. Il va sans dire que cette augmentation aurait été encore plus grande n’eût été du Québec, mais comme je l’illustrerai dans ce billet, il n’y a pas de quoi pavoiser.

Malgré cette inaction au niveau fédéral, il vaut quand même la peine de considérer les tendances observées au Québec afin de prendre conscience du chemin parcouru, mais surtout du chemin qu’il reste à parcourir...

Depuis 2007, une diminution de 6 mégatonnes a été observée au niveau du secteur industriel. Il convient toutefois de préciser que cette amélioration est menacée à moyen terme par les projets d’exploitation pétrolière dans le Golfe du Saint-Laurent et par l’industrie du gaz de schiste (le gaz de schiste étant en fait du méthane, un GES beaucoup plus dangereux que le CO2). De plus, les nouvelles données étant celles de 2009, il est fort probable que la récession de 2008-2009 explique une bonne partie de l’amélioration apparente.

Vectura maxima culpa !

De toute évidence, le constat le plus important de cet inventaire annuel des émissions de GES est la part du lion que représente le secteur du transport. En 2009, le secteur du transport était responsable, à lui seul, de 43,5% des émissions de GES au Québec. Le transport routier représentait les trois quart de ces 35,6 mégatonnes. Qui plus est, la proportion des émissions attribuable au secteur du transport routier a augmenté de 33,4% entre 1990 et 2009. Cette tendance a pratiquement annulé les autres efforts réalisés pour réduire les émissions de GES (amélioration des procédés industriels, diminution de l'utilisation du mazout, augmentation du recyclage, utilisation de sacs réutilisables, etc.).

L’augmentation des émissions de GES associées au transport est attribuable en très bonne partie à l'augmentation du nombre de véhicules, particulièrement les VUS, les fourgonnettes et les camions lourds. Le parc automobile a augmenté de 3,2 à 5,2 millions de voitures entre 1984 et 2004. Ce rythme est nettement supérieur à l’augmentation de la population, ce qui indique que les adultes qui ne possèdent pas de voiture sont de moins en moins nombreux.

Pendant ce temps là, le gouvernement vient de lancer des campagnes pour faire la promotion de l'exploitation pétrolière et gazière dans le Golfe du Saint-Laurent. "Curieusement", les vidéos en question minimisent les impacts environnementaux, afin de tenter de nous faire oublier que les bottines ne suivent pas les babines.

Afin d’inverser cette tendance, il faudra des changements majeurs comme une diminution de la part modale de l’auto-solo, une augmentation de l’efficacité énergétique des véhicules, une réduction du transport par camion au profit du transport par train et bateau et, bien entendu, la prmotion des transports dits « alternatifs ». Pour que ces changements se matérialisent, il faudra une plus grande implication des citoyens, des entreprises, des écoles, des communautés et, bien sûr, des gouvernements qui détiennent le pouvoir législatif.

En somme, il est évident que si le gouvernement Québécois veut sérieusement atteindre son objectif de diminuer les émissions de GES de 20% d’ici 2020 – soit dans 9 ans ! – il devra cesser d’ignorer l’éléphant dans la pièce qu’est le secteur du transport…
Références

Ministère du développement durable, de l’environnement et des parcs (2011). Inventaire Québécois des émissions de gaz à effet de serre en 2009 et leur évolution depuis 1990. http://www.mddep.gouv.qc.ca/changements/ges/2009/inventaire1990-2009.pdf


[i] Cette subtilité est ignorée dans le communiqué de la Presse Canadienne.
[ii] Ce terme est employé parce que d’autres gaz comme le méthane en particulier ont un impact beaucoup plus important que le CO2 et les données sont ajustées en conséquence.

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