vendredi 18 novembre 2011

L’œuf ou la poule?

Comme à chaque année, le 15 novembre marquait la « fermeture » des pistes cyclables un peu partout au Québec. Jusqu’à preuve du contraire[i], il n’est pas formellement interdit d’y circuler durant les 5 mois où elles sont fermées, mais durant cette période de l’année, elles ne sont pas entretenues, à part quelques rares exceptions (notez que l’utilisation du pléonasme n’est pas fortuite).

À Montréal, il existe en théorie un « réseau blanc » destiné au vélo utilitaire durant l’hiver, mais en pratique, les collègues de Vélo Québec ont remarqué que les maigres 14 km de pistes cyclables en site propre ne sont souvent pas déneigés. Il ne serait donc pas exagéré, à l’heure actuelle, de qualifier ce réseau… d’éléphant blanc. À ma connaissance, il n’existe toujours pas de pistes cyclables déneigées durant l’hiver au Québec[ii]. Pire encore, de nombreuses pistes cyclables sont dédiées d’abord et avant tout aux bruyantes et polluantes motoneiges durant l’hiver.

Cette situation amène Suzanne Lareau, la PDG de Vélo Québec à poser la question suivante : « La ville ferme-t-elle le réseau cyclable à l’automne parce que les citoyens arrêtent de faire du vélo ou est-ce les cyclistes qui choisissent de remiser leur bicyclette lorsqu’on ferme une partie importante du réseau? » Autrement dit, est-ce que la poule vient avant l’œuf, ou est-ce plutôt l’inverse.

L’œuf !

Il existe probablement des différences culturelles entre les Européens et les Nord-Américains qui contribuent à expliquer en partie pourquoi les premiers sont beaucoup plus enclins à pratiquer le vélo hivernal. En outre, de l’autre côté de l’Atlantique, les cyclistes ne sont pas perçus comme des hurluberlus ou des hippies barbus.

Cependant, dans le billet d’aujourd’hui, je vais me concentrer sur l’œuf, soit le réseau cyclable que les villes Nord-Américaines ont beaucoup de difficulté à pondre pour que les cyclistes puissent utiliser des trajets plus sécuritaires ! Les automobilistes sont moins sensibilisés à la présence de vélos durant l’hiver, et cela suffit probablement à en décourager plusieurs d’utiliser leur vélo. Peut-être davantage que le froid.

Un premier pas dans la bonne direction serait d’offrir des voies cyclables bien entretenues et en site propre pour permettre aux cyclistes qui ne sont pas habitués de rouler l’hiver d’éviter les grands boulevards où les voitures circulent rapidement. Souvent, il suffit d’un boulevard mal adapté au vélo pour décourager des cyclistes potentiels, surtout lorsque ledit boulevard est le seul itinéraire envisageable.

Quant à moi, si on veut augmenter le nombre de cyclistes durant l’hiver, ce n’est pas en les priant d’utiliser leur vélo qu’on s’approchera du but. En agissant ainsi, c'est comme si on leur offrait… une coquille vide !

Il faudra plutôt leur offrir des infrastructures de meilleure qualité et, si on atteint cet objectif, on peut s’attendre à une augmentation graduelle du nombre de cyclistes. Cela ne se produira pas du jour au lendemain parce que ça prend du temps pour changer les mentalités et les habitudes. Mais, en améliorant le réseau, le vélo hivernal deviendra graduellement plus sécuritaire, ce qui pourrait faire en sorte que certaines personnes qui ont une plus grande aversion du risque recommencent à faire du vélo.

Bien entendu, il faudra aussi faire la promotion des itinéraires cyclables, installer des emplacements sécuritaires pour ranger les vélos à l’abri des intempéries, inciter les employeurs à offrir des douches à leurs employés, etc.

Or, en « fermant » le réseau cyclable (et en remisant tous les BIXIs), c’est comme si on affirmait que les cyclistes sont indésirables entre le 15 novembre et le 15 avril.


De l’autre côté de l’océan…

À Copenhague, les cyclistes se comptent par centaines de milliers durant tout l’hiver, les pistes cyclables y sont même déneigées avant les routes. Bien que les cas de Copenhague et Amsterdam soient souvent cités en exemple, ce ne sont pas les seuls endroits où l’on priorise les déplacements actifs 12 mois par année. Par exemple, lors de mon bref passage à Vuokatti en Finlande, j’ai pu y admirer la piste cyclable d’environ 4 mètres de large qui est déneigée durant l’hiver. Or, non seulement Vuokatti est située tout près du cercle polaire Arctique, mais c’est en pleine campagne, à 35 km de la ville la plus proche ! Et le réseau de ski de fond peut aussi être utilisé à des fins utilitaires…

Le modèle Scandinave démontre que le froid n'est pas la principale barrière au vélo hivernal ! 


[i] Au moment où j’écris ces lignes, je prévois être en vélo sur la piste cyclable dans 30 minutes.
[ii] Je serais bien heureux de me tromper à ce sujet !

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