mercredi 23 novembre 2011

Le concept du péage fait tranquillement son chemin

D’après un sondage de Léger marketing dont les résultats ont été rapportés par Radio-Canada ce lundi, le concept du péage semble faire son chemin à Montréal. 69%  des Montréalais interrogés se disaient favorables au principe de l’utilisateur-payeur, comparativement à 46% des Torontois et 39% des Vancouverois. Dans les 3 régions, le prix moyen que les participants étaient prêts à payer était de 3$ par jour et environ 40% d’entre eux affirmait que 50% du montant ainsi récolté devrait être investi dans les transports collectifs.

Ces nouvelles sont encourageantes, mais il est à noter que le verbatim de la question était : « Dans quelle mesure êtes-vous disposé à vous acquitter de péages sur les autoroutes de votre région si cela signifie l’amélioration des conditions routières ou la réduction du temps passé à vous rendre au travail? » Il est donc possible que certains individus se sont dits favorables tout en espérant, avant tout, que le péage diminuerait la congestion routière pour qu’ils puissent continuer à faire de l’auto-solo tout en économisant du temps. Deuxièmement, l’article de Radio-Canada n’indique pas si les échantillons sondés dans les 3 villes étaient représentatifs de la population. J’ai des doutes quant à celui de Montréal où 5% des participants disaient utiliser le vélo comme principal mode de transport alors que la part modale du vélo rapportée dans l’enquête l’État du vélo au Québec en 2010 était de 2%.

Malheureusement pour les Torontois, le maire Rob Ford a déjà répondu par une fin de non-recevoir à l’idée du péage routier. M. Ford n’est clairement pas favorable aux transports alternatifs, lui qui – en pleine campagne électorale – avait qualifié les cyclistes de « pain in the ass », au grand plaisir de son ami Don Cherry.

Cela dit, si on fait abstraction de ces bémols, il semble que la raison qui explique pourquoi les Montréalais dont plus favorables au péage soit le pitoyable état du réseau routier. En fait, seulement 21% d’entre eux ont affirmé que les gouvernements font du bon travail pour assurer l’entretien du réseau routier, comparativement à 38% des Torontois et 49% des Vancouverois. Les exemples d’infrastructures Montréalaises en décrépitude sont légion (ex : pont Champlain et Pie IX, de nombreux viaducs, etc.).

Pour que le péage soit efficace, il faudrait bien sûr améliorer les réseaux de transport en commun. À l’heure actuelle, les services sont perçus comme étant adéquats sur l’île de Montréal, mais pour convaincre les habitants des banlieues de laisser leur voiture chez eux, il faudra améliorer les services d’autobus et de trains de banlieue. Il serait d’ailleurs intéressant d’offrir un incitatif fiscal aux banlieusards pour s’abonner au transport en commun et au BIXI. Il faudrait aussi que Montréal cesse de ne développer que le tiers ou la moité des kilomètres de voies cyclables prévus dans son propre plan de transport. Finalement, il faudra instaurer des politiques « avec des dents » pour limiter l’étalement urbain ; à cet égard, les vœux pieux du plan de développement métropolitain récemment dévoilé sont clairement insuffisants !

Les données scientifiques illustrent que les villes qui ont eu du succès pour promouvoir les transports alternatifs (et particulièrement le vélo) sont celles qui ont implanté les programmes les plus diversifiés qui mettent l’accent à la fois sur l’augmentation du coût d’utilisation de l’automobile et sur l’augmentation des services de transports collectifs et des infrastructures cyclables (Pucher et al., 2008, 2010).

Il existe déjà un péage sur le pont de l’autoroute 25 entre Laval et Montréal, mais étant donné que le pont a été conçu en PPP, les revenus du péage s’en vont dans les poches des actionnaires au lieu d’être utilisés pour améliorer le système de transport. Ce type de péage n’est pas très efficace, parce qu’il ne permet pas d’investir dans les transports alternatifs. D’ailleurs, une grande partie des Lavallois utilisent les ponts embouteillés au lieu du pont de la 25. De plus, le gouvernement conservateur a récemment annoncé qu’il voulait remplacer le pont Champlain par un nouveau pont, encore une fois en PPP. Ils ne semblent pas apprendre de leurs erreurs ceux-là…

Si les autorités municipales de Montréal et Vancouver veulent aller de l’avant avec un péage, elles auraient intérêt à s’inspirer de la ville de Stockholm en Suède où l’instauration d’un péage a entraîné l’extinction des embouteillages, comme j’ai discuté l’an dernier.


Références

Pucher, J., Buehler, R. (2008). Making cycling irresistible: Lessons from The Netherlands, Denmark and Germany. Transport Reviews, 28 (4), 495-528.
Pucher, J., Dill, J. & Handy, S. (2010). Infrastructures, programs and policies to increase bicycling: an international review. Preventive Medicine, Vol.50, No.1 (January 2010), pp. S106-S125

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