mercredi 30 novembre 2011

Les efforts de la ville de Londres et l’obstruction du reste de la Grande-Bretagne

Le billet d’aujourd’hui s’inscrit dans la suite logique du précédent qui portait sur le péage routier. Depuis une dizaine d’années, la ville de Londres a fait des efforts considérables pour promouvoir les transports alternatifs. En 2003, une taxe sur la congestion routière a été implantée. Les automobilistes doivent désormais payer 8£ (soit environ 15$[i]) pour entrer dans le centre-ville durant les heures de bureau. C’est donc un péage beaucoup plus substantiel qu’à Stockholm.

Comme on pouvait s’y attendre, le péage a fait en sorte qu’un nombre croissant de Londoniens utilisent les transports alternatifs. Il y a eu une diminution considérable de la congestion routière dans le centre-ville et la part modale de l’automobile a diminué de 43 à 37%. À titre comparatif, la part modale correspondante à Montréal et Toronto est d’environ 65% (Turcotte, 2008). Londres a acheté 6000 BIXIs – oui, les vélos en libre-service produits par l’entreprise Québécoise Devinci, que nos médiocres médias de droite ne cessent de décrier – qui ont été rebaptisés Boris Bikes. Les recettes du péage ont permis de financer des investissements majeurs pour améliorer le service de transport en commun et construire de nouvelles infrastructures cyclables.

Cependant, le péage a eu un effet assez modeste sur les concentrations de CO2 et de particules fines (PM10). Pour expliquer ce résultat décevant, des chercheurs britanniques suggèrent qu’étant donné que le péage ne s’applique qu’au centre-ville, il est possible qu’une partie importante du trafic motorisé se soit déplacée vers les quartiers périphériques et les banlieues (Tonne et al., 2008). Malgré tout, les concentrations de polluants ont diminué davantage dans les quartiers défavorisés, là où elles étaient nettement plus élevées au départ. On observe donc une réduction des inégalités. De plus, cette modeste réduction des concentrations de particules fines est associée à une diminution de la mortalité causée par les maladies respiratoires.

Par contre, près de 80% des émissions de gaz à effet de serre (GES) Londoniennes sont attribuables au chauffage des maisons et lieux de travail avec des sources d’énergie polluantes (gaz, pétrole, charbon). Il s’agit probablement d’une des raisons qui expliquent que le péage n’a pas eu un énorme impact sur les concentrations de CO2. Donc, si Londres veut réellement atteindre son objectif de réduire ses émissions de GES de 60% d’ici 2025 par rapport au niveau de 1990, elle devra nécessairement investir massivement dans les énergies renouvelables. Un programme pour améliorer l’efficacité énergétique des bâtiments a récemment été lancé et de nouveau éco-quartiers sont en construction.


Le statu quo persiste dans le reste de la Grande-Bretagne

Malgré les efforts de la capitale, il est à noter que les autres villes britanniques ne suivent pas du tout l’exemple jusqu’à maintenant. Le modèle de développement axé sur l’automobile est toujours en vigueur et les politiques visant à limiter l’étalement urbain ne sont pas légion. Dans l’ensemble de la Grande-Bretagne, la part modale du vélo dépasse à peine les 2%, si bien que le pays ne devance que d’autres pays Anglo-Saxons (le Canada, l’Australie et les États-Unis) à cet égard.

A fortiori, le gouvernement conservateur de David Cameron a cédé aux pressions du lobby pétrolier pour appuyer le gouvernement Harper dans sa croisade contre le projet de loi de l’Union Européenne qui veut faire en sorte que le pétrole issu des sables bitumineux soit reconnu comme indésirable sur le Vieux continent parce qu’il est plus polluant que le pétrole « traditionnel ». Des pétrolières britanniques – dont British Petroleum qui a causé la tragédie pétrolière dans le Golfe du Mexique en 2010 – ont des intérêts financiers dans l’exploitation des sables bitumineux Albertains…

Il est à espérer que les dirigeants des autres pays Européens sauront convaincre M. Cameron qu’il devrait s’aligner sur les politiques du reste du continent au lieu de défendre les sables bitumineux canadiens. C’est quand même étrange que les politiques de Londres soient si opposées à celles du reste du pays… on n’observe pas pareil phénomène à Toronto en tout cas !

Références

Tonne, C., Beevers, S., Armstrong, B., Kelly, F. & Wilkinson, P. (2008). Air pollution and mortality benefits of the London Congestion Charge: spatial and socioeconomic inequalities. Occupational Environmental Medicine, Vol.65, No.9 (September 2008), pp. 620-627.

Turcotte, M. (2008). Dépendance à l’automobile dans les quartiers urbains. Tendances Sociales Canadiennes, Vol.1, No.1, p.21-32. http://www.statcan.gc.ca/pub/11-008-x/2008001/article/10503-fra.pdf


[i] Quand on considère l’ensemble des coûts directs (i.e. construction et entretien des routes) et indirects (i.e. coûts associés à l’étalement urbain comme les égouts et aqueducs, les coûts de soins de santé supplémentaires, le temps perdu dans les embouteillages, etc.), un tel péage n’est pas excessif dans la mesure où les sommes récoltées sont réinvesties pour améliorer l’offre de transport alternatif.

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