mardi 25 mars 2014

La mobilité indépendante et la pratique d’activités physiques



J’ai discuté à quelques reprises du concept de mobilité indépendante sur ce blogue. Ce concept correspond à la capacité d’une enfant de se déplacer dans son quartier sans être supervisé par un (ou des) adulte(s) (Hillman et al., 1990). De nombreuses études indiquent que la mobilité indépendante des jeunes a diminué considérablement au cours des dernières années (Gaster, 1991; Hillman et al., 1990; Shaw et al., 2013). Tout comme le pourcentage de jeunes qui utilisent des modes de transport actif comme la marche et le vélo...

Justement, plusieurs études illustrent que la mobilité indépendante est associée à la pratique d’activités physiques totale et, plus spécifiquement au transport actif et aux activités extérieures (Mackett et al., 2007; Page et al., 2009; Wen et al., 2009). Or, jusqu’à tout récemment, aucune étude scientifique n’avait évalué la mobilité indépendante chez les jeunes Canadiens, la plupart des études sur le sujet ayant été réalisées en Europe et en Australie.

En fait, il y a quelques semaines, ma collègue Michelle Stone de l’Université Dalhousie et des collègues de l’Université de Toronto ont publié un article à ce sujet dans la revue International Journal of Behavioral Nutrition and Physical Activity (Stone et al., 2014).


Méthodologie

Dans cette étude, 1001 jeunes de 10 à 12 ans ont été recrutés dans des écoles de la ville de Toronto. Les écoles ont été sélectionnées selon le niveau socioéconomique (e.g., revenu médian faible ou élevé d’après les données du recensement de 2006) et le type d’environnement bâti (urbain ou péri-urbain). Les parents des participants ont répondu à un questionnaire dans lequel ils devaient entre autres indiquer le niveau de mobilité indépendante de leur enfant. Quant à eux, les jeunes ont porté un accéléromètre[i] pour mesurer leur pratique d’activités physiques pendant une semaine. Plus de détails concernant la méthodologie sont disponibles sur le site web www.beat.utoronto.ca

Les chercheurs ont évalué la relation de la mobilité indépendante avec :
1.      L’activité physique totale telle que déterminée par l’accéléromètre
2.      Le temps consacré à des activités sédentaires
3.      L’activité physique d’intensité faible
4.      L’activité physique d’intensité moyenne à élevée (soit le type d’activité physique qui fait présentement l’objet des lignes directrices Canadiennes sur l’activité physique.

Ils ont également vérifié si l’effet de la mobilité indépendante variait entre les jours de semaine et les fins de semaine. Finalement ils ont examiné dans quelle mesure la mobilité indépendante est associée à l’activité physique et au comportement sédentaire dans les 2 heures suivant la fin des classes ; une période qui présente (théoriquement) un potentiel important pour augmenter la pratique d’activité physique quotidienne.


Résultats

Près de 40% des parents indiquaient ne pas accorder à leur enfant la permission d’aller dehors (soit seul ou avec des amis) sans la supervision d’un adulte. Petit rappel : les participants étaient âgés de 10 à 12 ans ! Quand j’avais cet âge-là, il y a grosso modo une génération, mes parents m’encourageaient à aller jouer dehors beau temps mauvais temps, peu importe que je sois seul ou avec des amis, disant que je n’étais « pas fait en chocolat »…

Cela dit, un peu plus de 60% des participants avaient un certain niveau de mobilité indépendante (soit parfois, souvent ou toujours) et ce pourcentage était plus élevé chez les garçons (69,4%) que chez les filles (54,4%). Ce résultat corrobore ceux d’études précédentes (Hillman et al., 1990; Valentine, 1997; Villanueva et al., 2012), suggérant qu’à un âge donné, les garçons ont davantage de mobilité indépendante que les filles.

En ce qui a trait à l’activité physique, les jeunes qui avaient un certain niveau de mobilité indépendante étaient plus actifs physiquement dans l’ensemble de la journée, autant les jours de semaine que les fins de semaine. Ils accumulaient notamment davantage d’activité physique d’intensité moyenne à élevée. Ces différences ont été observées autant chez les filles que les garçons.

Uniquement chez les filles, la mobilité indépendante était associée à un moindre temps consacré à des activités sédentaires durant les jours de semaine. Quant à eux, les garçons qui avaient un certain niveau de mobilité indépendante accumulaient davantage d’activité physique d’intensité faible lors des fins de semaine.

Quant à la période après l’école, les jeunes qui avaient un certain niveau de mobilité indépendante consacraient moins de temps à des activités sédentaires et accumulaient  davantage d’activité physique d’intensité faible, moyenne et élevée. Ces résultats ont été observés autant chez les filles que les garçons.


Conclusion

Collectivement, ces résultats sont cohérents avec ceux d’autres études sur le sujet (Mackett et al., 2007; Page et al., 2009; Wen et al., 2009). Ainsi, il semble qu’en augmentant la mobilité indépendante, il serait possible d’accroître la pratique d’activités physiques. Cependant, pour développer des interventions efficaces pour promouvoir la mobilité indépendante, une meilleure compréhension des facteurs associés à ce concept sera nécessaire. Autrement dit, il faudra déterminer ce qui distingue les jeunes qui ont un niveau plus élevé de mobilité indépendante[ii]. C’est un sujet que j’ai l’intention d’explorer dans mes études futures. À suivre…


Références

Gaster S. Urban children’s access to their neighborhoods: changes over three generations. Environment and Behavior. 1991;23:70-85.

Hillman M, Adams J, Whitelegg J. One false move: a study of children’s independent mobility. London: Policy Studies Institute; 1990.

Mackett R, Brown B, Gong Y. Children’s independent mobility in the local environment. Built Environment. 2007;33:454-468.

Page AS, Cooper AR, Griew P. Independent mobility in relation to weekday and weekend physical activity in children aged 10-11 years: the PEACH project. International Journal of Behavioral Nutrition and Physical Activity. 2009;7:2.

Shaw B et al. Children’s independent mobility: A comparative study in England and Germany (1971-2010). London: Policy Studies Institute; 2013.

Stone MR, Faulkner GEJ, Mitra R, Buliung RN. The freedom to explore: examining the influence of independent mobility on weekday, weekend and after-school physical activity behaviour in children living in urban and inner-suburban neighbourhoods of varying socioeconomic status. International Journal of Behavioral Nutrition and Physical Activity. 2014;11:5.

Villanueva K et al. Where do children travel to and what local opportunities are available? The relationship between neighborhood destinations and children’s independent mobility. Environment and Behavior. 2012;45(6):679-705.

Wen LM, Kite J, Merom D. Time spent playing outdoors after school and its relationship with independent mobility: a cross-sectional survey of children aged 10-12 years in Sydney, Australia. International Journal of Behavioral Nutrition and Physical Activity. 2009.


[i] L’accéléromètre permet de quantifier l’intensité de l’activité physique et de déterminer le moment où les activités ont été effectuées, avec une précision de 5 secondes dans le cas présent.
[ii] Tout en contrôlant statistiquement pour des variables possiblement confondantes comme l’âge et le sexe.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire