lundi 27 mai 2013

Le transport actif à la une…

L’organisme Jeunes en Forme Canada publiait mardi dernier son bulletin annuel sur l’activité physique des jeunes. Le bulletin a été mentionné dans de nombreux journaux et des bulletins de nouvelles, mais les médias anglophones en ont généralement discuté de façon plus approfondie. Cet article de CBC en est un bon exemple.

Cette année, la note attribuée pour l’activité physique en générale est D-, ce qui peut sembler être une amélioration par rapport à la note des années antérieures (F). Cependant, la cause de cette apparente amélioration est que, pour la première fois, des données pancanadiennes sont disponibles pour l’activité physique des jeunes de 3 à 5 ans. Ceux-ci sont beaucoup plus susceptibles d’atteindre la quantité d’activité physique recommandée (Colley et al., 2013).

Ceci a pour effet de masquer une diminution de la proportion de jeunes de 6 à 17 ans accumulant au moins 60 minutes d’activité physique quotidiennement. En effet, les plus récentes données de l’Enquête Canadienne sur les mesures de santé (2009-2011) indiquent que cette proportion est de 5%, comparativement à 7% lors de l’enquête précédente (2007-2009).


Le transport actif en vedette…

Comme à chaque année, le bulletin met l’accent sur un thème en particulier. Cette année, le thème choisi est le transport actif[i]. En somme, la note « D » a été décernée parce que plusieurs sources de données illustrent que seulement 25 à 35% des enfants et adolescents Canadiens vont à l’école à pied ou à vélo.

Un rapport de l’Institut Canadien de la recherche sur la condition physique et le mode de vie illustre notamment que le pourcentage de jeunes de 5 à 17 ans utilisant seulement des modes de transport actif pour se rendre à l’école a diminué de 28 à 24% entre 2000 et 2010. À l’opposé, 62% utilisaient seulement des modes de transport motorisés, comparativement à 51% en 2000. Les autres jeunes utilisaient une combinaison de modes actifs et inactifs.

Ce déclin est encore plus marqué si on compare les enfants d’aujourd’hui avec leurs parents. D’après une étude récente, 58% des parents interrogés affirmaient marcher pour aller à l’école quand ils étaient jeunes, mais seulement 28% de leurs enfants vont à l’école à pieds aujourd’hui.

Cette tendance prive les jeunes d’une importante source d’activité physique. Par exemple, notre revue systématique de la littérature scientifique sur le sujet illustre que les jeunes utilisant le transport actif peuvent accumuler jusqu’à 45 minutes d’activité physique supplémentaire par jour comparativement à leurs pairs qui utilisent des modes de transport motorisés (Larouche et al., sous presse). Dans plus de 80% des études que nous avons recensées, les jeunes utilisant le transport actif étaient significativement plus actifs que les autres.

Entre autres, 3 études expérimentales (où des pédibus étaient offertes dans certaines écoles tandis que d’autres écoles ne recevaient pas cette intervention, agissant ainsi de groupe témoin) ont montré que la mise en opération de pédibus[ii] entraînait une augmentation autant du transport actif que de l’activité physique en général. Ces interventions peuvent permettre de réduire les préoccupations des parents quant à la sécurité de leurs enfants.

Les pédibus peuvent également être utiles pour développer les habiletés des enfants à se comporter de façon sécuritaire dans le trafic. Ainsi, ils peuvent servir de transition entre le transport motorisé et le transport actif sans la supervision d’un adulte (voir Mammen et al., 2012).

D’ailleurs, une étude classique illustre que les jeunes sont de moins en moins autonomes dans leur déplacements (Hillman et al., 1990). En 1971, 80% des jeunes de 7-8 ans pouvaient se rendre à l’école sans la supervision d’un adulte, mais cette proportion a chuté à 9% en 1990. Je faisais heureusement partie des 9% en 1992 J

Pourtant, les taux de criminalité et d’accidents de la route sont tous les deux en baisse ! À l’opposé, les médias sont de plus en plus omniprésents et, lorsqu’il y a un crime ou un accident, ils en parlent ad nauseam[iii], si bien que le public en vient à avoir l’impression que le monde extérieur est de plus en plus dangereux. Cette perception erronée fait en sorte que les parents sont portés à réduire l’autonomie de leurs enfants (Louv, 2008; Valentine, 1997). L’ironie du sort est que les enfants enveloppés dans du papier-bulle (comme s’ils étaient fabriqués en porcelaine) ne développent pas leurs habiletés à faire face aux situations dangereuses le cas échéant…

Du coup, ils ne peuvent pas profiter des nombreux bienfaits du transport actif dont l’amélioration de la condition physique et de la performance scolaire, l’augmentation des occasions de socialiser avec leurs pairs, la diminution du stress et la réduction du risque de maladies pulmonaires associées aux gaz d’échappement émis par les véhicules.


Les Maritimes et le Québec en queue de peloton…

D’autre part, le bulletin 2013 met en évidence d’importantes disparités régionales en matière de transport actif. Le transport actif est très marginal dans les Maritimes avec des parts modales de moins de 10% dans 3 provinces sur 4. Le Québec se situe également sous la moyenne avec une part modale de 21%. À l’opposé, la Colombie-Britannique est en tête du peloton suivie par les Territoires du Nord-Ouest.

Le transport actif est également plus commun chez les élèves du primaire, chez ceux qui habitent en milieu urbain, chez ceux dont les parents ont un revenu inférieur et particulièrement chez ceux qui demeurent à proximité de leur école. À l’inverse, plusieurs écoles Canadiennes sont situées dans des quartiers où il n’y a pas de trottoirs (!) et, sans surprise, les jeunes fréquentant ces écoles font moins de déplacements à pieds ou à vélo.

Vous pouvez télécharger une copie du rapport en cliquant ici.


Références

Colley, R.C., Garriguet, D., Adamo, K.B., Carson, V., Janssen, I., Timmons, B.W., & Tremblay, M.S. (2013). Physical activity and sedentary behavior during the early years in Canada: A cross-sectional study. International Journal of Behavioral Nutrition and Physical Activity, 10 (54).

Hillman, M., Adams, J., & Whitelegg, J. (1990). One false move: A study of children’s independent mobility. London: PSI Publishing.

Jeunes en forme Canada. (2013). Conduisons-nous nos enfants a adopter des habitudes malsaines? Le bulletin 2013 de l’activité physique chez les jeunes. Toronto, ON : Jeunes en Forme Canada.

Larouche, R., Saunders, T., Faulkner, G.E.J., Colley, R.C., Tremblay, M.S. (sous presse). Associations between active school transport and physical activity, body composition and cardiovascular fitness: a systematic review of 68 studies. Journal of Physical Activity and Health.

Louv, R. (2008). Last child in the woods: saving our children from nature-deficit disorder. Chapel Hill, NC: Algonquin Books.

Mammen, G., Faulkner, G., Buliung, R., Lay, J. (2012). Understanding the drive to escort: a cross-sectional analysis examining parental attitudes toward children’s school travel and independent mobility. BMC Public Health, 12, 862.

Valentine, G. (1997). “Oh yes I can.” “Oh no you can’t”: Children and parent’s understanding of kids’ competence to negotiate public space safely. Antipode, 29, 65-89.



[i] Transparence totale: j’ai co-rédigé la section portant sur le transport actif, mais la note fut décernée par un groupe d’experts indépendants.
[ii] Un pédibus, c’est un groupe de jeunes qui se rendent à l’école à pied en suivant un trajet prédéterminé sous la supervision d’au moins un adulte (le « chauffeur »).
[iii] L’attentat du marathon de Boston en est un exemple.

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