L’organisme
Jeunes en Forme Canada publiait mardi dernier son bulletin annuel sur
l’activité physique des jeunes. Le bulletin a été mentionné dans de nombreux
journaux et des bulletins de nouvelles, mais les médias anglophones en ont
généralement discuté de façon plus approfondie. Cet article de CBC en est un
bon exemple.
Cette
année, la note attribuée pour l’activité physique en générale est D-, ce qui
peut sembler être une amélioration par rapport à la note des années antérieures
(F). Cependant, la cause de cette apparente amélioration est que, pour la
première fois, des données pancanadiennes sont disponibles pour l’activité
physique des jeunes de 3 à 5 ans. Ceux-ci sont beaucoup plus susceptibles
d’atteindre la quantité d’activité physique recommandée (Colley et al., 2013).
Ceci
a pour effet de masquer une diminution de la proportion de jeunes de 6 à 17 ans
accumulant au moins 60 minutes d’activité physique quotidiennement. En effet,
les plus récentes données de l’Enquête Canadienne sur les mesures de santé
(2009-2011) indiquent que cette proportion est de 5%, comparativement à 7% lors
de l’enquête précédente (2007-2009).
Le transport actif en vedette…
Comme
à chaque année, le bulletin met l’accent sur un thème en particulier. Cette
année, le thème choisi est le transport actif[i]. En
somme, la note « D » a été décernée parce que plusieurs sources de
données illustrent que seulement 25 à 35% des enfants et adolescents Canadiens
vont à l’école à pied ou à vélo.
Un
rapport de l’Institut Canadien de la recherche sur la condition physique et le
mode de vie illustre notamment que le pourcentage de jeunes de 5 à 17 ans
utilisant seulement des modes de transport actif pour se rendre à l’école a
diminué de 28 à 24% entre 2000 et 2010. À l’opposé, 62% utilisaient seulement
des modes de transport motorisés, comparativement à 51% en 2000. Les autres
jeunes utilisaient une combinaison de modes actifs et inactifs.
Ce
déclin est encore plus marqué si on compare les enfants d’aujourd’hui avec
leurs parents. D’après une étude récente, 58% des parents interrogés
affirmaient marcher pour aller à l’école quand ils étaient jeunes, mais
seulement 28% de leurs enfants vont à l’école à pieds aujourd’hui.
Cette
tendance prive les jeunes d’une importante source d’activité physique. Par
exemple, notre revue systématique de la littérature scientifique sur le sujet
illustre que les jeunes utilisant le transport actif peuvent accumuler jusqu’à
45 minutes d’activité physique supplémentaire par jour comparativement à leurs
pairs qui utilisent des modes de transport motorisés (Larouche et al., sous
presse). Dans plus de 80% des études que nous avons recensées, les jeunes
utilisant le transport actif étaient significativement plus actifs que les
autres.
Entre
autres, 3 études expérimentales (où des pédibus étaient offertes dans certaines
écoles tandis que d’autres écoles ne recevaient pas cette intervention,
agissant ainsi de groupe témoin) ont montré que la mise en opération de pédibus[ii]
entraînait une augmentation autant du transport actif que de l’activité
physique en général. Ces interventions peuvent permettre de réduire les
préoccupations des parents quant à la sécurité de leurs enfants.
Les
pédibus peuvent également être utiles pour développer les habiletés des enfants
à se comporter de façon sécuritaire dans le trafic. Ainsi, ils peuvent servir
de transition entre le transport motorisé et le transport actif sans la
supervision d’un adulte (voir Mammen et al., 2012).
D’ailleurs,
une étude classique illustre que les jeunes sont de moins en moins autonomes
dans leur déplacements (Hillman et al., 1990). En 1971, 80% des jeunes de 7-8
ans pouvaient se rendre à l’école sans la supervision d’un adulte, mais cette
proportion a chuté à 9% en 1990. Je faisais heureusement partie des 9% en
1992 J
Pourtant,
les taux de criminalité et d’accidents de la route sont tous les deux en baisse
! À l’opposé, les médias sont de plus en plus omniprésents et, lorsqu’il y a un
crime ou un accident, ils en parlent ad
nauseam[iii],
si bien que le public en vient à avoir l’impression que le monde extérieur est
de plus en plus dangereux. Cette perception erronée fait en sorte que les
parents sont portés à réduire l’autonomie de leurs enfants (Louv, 2008; Valentine,
1997). L’ironie du sort est que les enfants enveloppés dans du papier-bulle (comme
s’ils étaient fabriqués en porcelaine) ne développent pas leurs habiletés à
faire face aux situations dangereuses le cas échéant…
Du
coup, ils ne peuvent pas profiter des nombreux bienfaits du transport actif
dont l’amélioration de la condition physique et de la performance scolaire,
l’augmentation des occasions de socialiser avec leurs pairs, la diminution du
stress et la réduction du risque de maladies pulmonaires associées aux gaz
d’échappement émis par les véhicules.
Les Maritimes et le Québec en
queue de peloton…
D’autre
part, le bulletin 2013 met en évidence d’importantes disparités régionales en
matière de transport actif. Le transport actif est très marginal dans les
Maritimes avec des parts modales de moins de 10% dans 3 provinces sur 4. Le
Québec se situe également sous la moyenne avec une part modale de 21%. À
l’opposé, la Colombie-Britannique est en tête du peloton suivie par les
Territoires du Nord-Ouest.
Le
transport actif est également plus commun chez les élèves du primaire, chez
ceux qui habitent en milieu urbain, chez ceux dont les parents ont un revenu
inférieur et particulièrement chez ceux qui demeurent à proximité de leur
école. À l’inverse, plusieurs écoles Canadiennes sont situées dans des quartiers
où il n’y a pas de trottoirs (!) et, sans surprise, les jeunes fréquentant ces
écoles font moins de déplacements à pieds ou à vélo.
Vous pouvez télécharger une copie du rapport en cliquant ici.
Références
Colley, R.C., Garriguet, D., Adamo, K.B., Carson ,
V., Janssen, I. , Timmons, B.W., &
Tremblay, M.S. (2013). Physical activity and sedentary behavior during the
early years in Canada :
A cross-sectional study. International
Journal of Behavioral Nutrition and Physical Activity, 10 (54).
Hillman, M., Adams, J., & Whitelegg, J. (1990). One false move: A study of children’s
independent mobility. London :
PSI Publishing.
Jeunes
en forme Canada. (2013). Conduisons-nous nos enfants a adopter des habitudes
malsaines? Le bulletin 2013 de l’activité physique chez les jeunes. Toronto, ON :
Jeunes en Forme Canada.
Larouche,
R., Saunders, T., Faulkner, G.E.J., Colley, R.C., Tremblay, M.S. (sous presse).
Associations
between active school transport and physical activity, body composition and
cardiovascular fitness: a systematic review of 68 studies. Journal
of Physical Activity and Health.
Louv, R. (2008). Last
child in the woods: saving our children from nature-deficit disorder. Chapel Hill , NC :
Algonquin Books.
Mammen, G., Faulkner, G., Buliung, R., Lay, J. (2012).
Understanding the drive to escort: a cross-sectional analysis examining
parental attitudes toward children’s school travel and independent mobility. BMC Public Health, 12, 862.
Valentine, G. (1997). “Oh yes I can.” “Oh no you
can’t”: Children and parent’s understanding of kids’ competence to negotiate
public space safely. Antipode,
29, 65-89.
[i] Transparence totale: j’ai
co-rédigé la section portant sur le transport actif, mais la note fut décernée
par un groupe d’experts indépendants.
[ii] Un pédibus, c’est un groupe de
jeunes qui se rendent à l’école à pied en suivant un trajet prédéterminé sous
la supervision d’au moins un adulte (le « chauffeur »).
[iii] L’attentat du marathon de Boston
en est un exemple.
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