En
général, les gens ont l’impression que la sédentarité n’est pas un problème
dans un pays comme le Kenya. Après tout, ils dominent largement les épreuves de
course de longue distance (du 5 km au marathon) depuis quelques décennies. Par
contre, l’urbanisation se produit de façon très rapide, particulièrement dans
les villes comme Nairobi dont la population est passée de quelques dizaines de
milliers d’habitants à près de 4 millions en une quarantaine d’années. Ce
changement n’est pas sans conséquences.
En
effet, le Kenya – comme plusieurs autres pays en voie de développement – vis
présentement une transition importante. Avec l’urbanisation galopante, le
niveau d’activité physique de la population diminue de façon très
importante. Cette diminution de la
pratique d’activités physiques est associée à
une augmentation des taux d’embonpoint et d’obésité (qui était
pratiquement inexistante il n’y a pas si longtemps) ainsi qu’à une augmentation
de la prévalence des maladies cardiorespiratoires, des accidents vasculaires
cérébraux, du diabète de type 2 et de certains types de cancer.
Or, non seulement on observe une hausse importante au
niveau des maladies chroniques, mais il y a encore une prévalence élevée des
maladies infectieuses et plusieurs personnes ne mangent toujours pas à leur
faim. Cette situation n’est pas unique au Kenya ; la plupart des pays en voie
de développement « expérimentent » cette transition à différents
degrés tandis que la transition a eu lieu il y a déjà plusieurs décennies en
Amérique du Nord et en Europe.
Cette transition n’est pas forcément inévitable, mais ce
n’est pas clair dans quelle mesure il serait possible de prévenir la diminution
de la pratique d’activités physiques, l’augmentation du temps consacré à des
activités sédentaires et l’adoption d’un régime alimentaire de plus en plus semblable
à celui des Nord-Américains.
Le
« secret » des coureurs Kenyans…
Tant qu’à être au Kenya, j’ai pensé que ça serait
intéressant d’examiner pourquoi les Kenyans sont aussi performants dans les
épreuves de course de longue distance. Justement, un de mes collègues, le
professeur Vincent Onywera de l’Université Kenyatta, a consacré sa thèse de
doctorat à cette question.
Bien qu’il n’ait pas forcément découvert la recette
miracle, il a pu identifier certains des ingrédients. Un premier est
l’adaptation à l’altitude – Nairobi étant situé à environ 1700 mètres au-dessus
du niveau de la mer et plusieurs villages (d’où proviennent de nombreux
coureurs de niveau international) sont situés à près de 3000 mètres d’altitude.
L’adaptation à l’altitude fait en sorte que les Kenyans qui vivent en haute
altitude ont un taux de globules rouges (ou hématocrite) plus élevé que les
gens qui demeurent au niveau de la mer – tout comme les Népalais et les
Boliviens d’ailleurs. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que les Népalais sont
aussi dominants au marathon du camp de
base de l’Everest et que l’équipe de soccer Bolivienne a déjà battu la
puissante équipe Brésilienne… dans un match à
3700 mètres d’altitude.
La génétique est un autre facteur important. La course
étant très populaire dans certaines régions du pays en particulier, il n’est
pas rare que les coureurs se marient ensemble et, ce faisant, leurs enfants
héritent d’un potentiel important pour la performance dans les épreuves
d’endurance. Par contre, la génétique n’est pas le seul facteur. C’est bien
d’avoir un potentiel élevé, mais encore faut-il l’actualiser par
l’entraînement…
Finalement, un autre facteur qu’il a identifié c’est
que davantage de coureurs Kenyans de haut niveau se rendaient à l’école à la
course comparativement aux coureurs de niveau moins élevé. Ainsi, certains
marathoniens couraient plus de 5 km pour se rendre à l’école le matin et ils
faisaient le même trajet en fin
d’après-midi. Ceci leur procure un niveau d’entraînement considérable, soit
plus de 50 km par semaine. À l’opposé, la course est un mode de transport extrêmement
rare en Occident.
Hélas, une récente comparaison des modes de transport
utilisés par les Kenyans vivant en milieux urbains vs. ruraux a montré que ces
derniers étaient nettement plus susceptibles d’utiliser la course comme mode de
transport scolaire. À l’opposé, la voiture et l’autobus scolaire étaient
beaucoup plus utilisés dans les milieux urbains (Onywera et al., 2012).
Asante Sana!
Référence
Onywera VO, Adamo KB, Sheel AW, Waudo
JN, Boit MK, Tremblay MS. Emerging Evidence of
the Physical Activity Transition in Kenya. Journal
of Physical Activity and Health 9:554-562, 2012.
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