mercredi 24 octobre 2012

L'activité physique et le transport actif au Kenya

Jambo! Je vous écris en direct de l’aéroport de Nairobi au Kenya, à environ une centaine de kilomètres au sud de l’Équateur. J’étais ici pour une réunion d’équipe. Nous travaillons sur une demande de subvention pour un projet de recherche sur le transport actif et la pratique d’activités physiques avec des collègues Africains.                              

En général, les gens ont l’impression que la sédentarité n’est pas un problème dans un pays comme le Kenya. Après tout, ils dominent largement les épreuves de course de longue distance (du 5 km au marathon) depuis quelques décennies. Par contre, l’urbanisation se produit de façon très rapide, particulièrement dans les villes comme Nairobi dont la population est passée de quelques dizaines de milliers d’habitants à près de 4 millions en une quarantaine d’années. Ce changement n’est pas sans conséquences.

En effet, le Kenya – comme plusieurs autres pays en voie de développement – vis présentement une transition importante. Avec l’urbanisation galopante, le niveau d’activité physique de la population diminue de façon très importante.  Cette diminution de la pratique d’activités physiques est associée à  une augmentation des taux d’embonpoint et d’obésité (qui était pratiquement inexistante il n’y a pas si longtemps) ainsi qu’à une augmentation de la prévalence des maladies cardiorespiratoires, des accidents vasculaires cérébraux, du diabète de type 2 et de certains types de cancer.

Or, non seulement on observe une hausse importante au niveau des maladies chroniques, mais il y a encore une prévalence élevée des maladies infectieuses et plusieurs personnes ne mangent toujours pas à leur faim. Cette situation n’est pas unique au Kenya ; la plupart des pays en voie de développement « expérimentent » cette transition à différents degrés tandis que la transition a eu lieu il y a déjà plusieurs décennies en Amérique du Nord et en Europe.
Cette transition n’est pas forcément inévitable, mais ce n’est pas clair dans quelle mesure il serait possible de prévenir la diminution de la pratique d’activités physiques, l’augmentation du temps consacré à des activités sédentaires et l’adoption d’un régime alimentaire de plus en plus semblable à celui des Nord-Américains.

Le « secret » des coureurs Kenyans…
Tant qu’à être au Kenya, j’ai pensé que ça serait intéressant d’examiner pourquoi les Kenyans sont aussi performants dans les épreuves de course de longue distance. Justement, un de mes collègues, le professeur Vincent Onywera de l’Université Kenyatta, a consacré sa thèse de doctorat à cette question.
Bien qu’il n’ait pas forcément découvert la recette miracle, il a pu identifier certains des ingrédients. Un premier est l’adaptation à l’altitude – Nairobi étant situé à environ 1700 mètres au-dessus du niveau de la mer et plusieurs villages (d’où proviennent de nombreux coureurs de niveau international) sont situés à près de 3000 mètres d’altitude. L’adaptation à l’altitude fait en sorte que les Kenyans qui vivent en haute altitude ont un taux de globules rouges (ou hématocrite) plus élevé que les gens qui demeurent au niveau de la mer – tout comme les Népalais et les Boliviens d’ailleurs. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que les Népalais sont aussi dominants  au marathon du camp de base de l’Everest et que l’équipe de soccer Bolivienne a déjà battu la puissante équipe Brésilienne… dans un match à  3700 mètres d’altitude.
La génétique est un autre facteur important. La course étant très populaire dans certaines régions du pays en particulier, il n’est pas rare que les coureurs se marient ensemble et, ce faisant, leurs enfants héritent d’un potentiel important pour la performance dans les épreuves d’endurance. Par contre, la génétique n’est pas le seul facteur. C’est bien d’avoir un potentiel élevé, mais encore faut-il l’actualiser par l’entraînement…
Finalement, un autre facteur qu’il a identifié c’est que davantage de coureurs Kenyans de haut niveau se rendaient à l’école à la course comparativement aux coureurs de niveau moins élevé. Ainsi, certains marathoniens couraient plus de 5 km pour se rendre à l’école le matin et ils faisaient le même trajet  en fin d’après-midi. Ceci leur procure un niveau d’entraînement considérable, soit plus de 50 km par semaine. À l’opposé, la course est un mode de transport extrêmement rare en Occident.
Hélas, une récente comparaison des modes de transport utilisés par les Kenyans vivant en milieux urbains vs. ruraux a montré que ces derniers étaient nettement plus susceptibles d’utiliser la course comme mode de transport scolaire. À l’opposé, la voiture et l’autobus scolaire étaient beaucoup plus utilisés dans les milieux urbains (Onywera et al., 2012).
Asante Sana!

Référence

Onywera VO, Adamo KB, Sheel AW, Waudo JN, Boit MK, Tremblay MS. Emerging Evidence of the Physical Activity Transition in Kenya. Journal of Physical Activity and Health 9:554-562, 2012.

 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire