lundi 24 octobre 2011

Mesure de l'activité physique associée au vélo: un problème méthodolgique

Je vous écris en revenant du congrès annuel de la Société canadienne de physiologie de l’exercice qui a eu lieu à Québec cette année. J’y ai présenté les résultats d’une étude-pilote que j’ai menée en marge de mon doctorat (Larouche et al, 2011). Le constat qui a mené à cette étude est que peu d’outils permettent de quantifier adéquatement la pratique d’activités physiques associée au vélo.

Nous savons déjà que les questionnaires ont une validité limitée pour mesurer la pratique d’activités physiques en général (Shephard, 2003). Les réponses des individus dans les questionnaires sont limitées par la perception et la mémoire. Il est aussi très fréquent d'observer une surestimation de la pratique d'activités physiques. Deux autres outils sont fréquemment utilisés pour mesurer la pratique d’activités physiques dans les études qui ne sont pas réalisées en laboratoire : les podomètres et les accéléromètres.

Les podomètres mesurent le nombre de pas : lorsqu’une personne fléchit sa hanche dans un certain angle, le podomètre enregistre un pas. Il s’agit donc d’un très bon outil pour mesurer l’activité physique durant la marche (l’activité la plus pratiquée au niveau populationnel), la course et tous les sports qui nécessitent de marcher ou de courir. Toutefois, les podomètres ne sont pas très efficaces pour mesurer l’activité physique associée au vélo.

Quant à lui, l’accéléromètre est considéré comme le meilleur compromis entre la validité de la mesure et la faisabilité (Esliger & Tremblay, 2007). Les résultats obtenus réflètent plus précisément la pratique d'activités physique que les questionnaires. Cela dit, il existe tout de même des méthodes reconnues pour avoir une validité supérieure (pour lesquelles l’expression « gold standard » est employée en anglais), mais celles-ci sont plus onéreuses et/ou moins pratiques, particulièrement pour les études réalisées en dehors du laboratoire. Dans ce contexte, l’accéléromètre constitue le premier choix pour les grandes enquêtes populationnelles comme l’Enquête canadienne sur les mesures de santé et le National Health and Nutrition Evaluation Survey aux États-Unis.

Il existe différents modèles d’accéléromètres ; certains mesurent l’activité physique seulement dans l’axe vertical tandis que d’autres la mesurent dans les trois axes. Tandis que les premiers ne sont pas efficaces pour mesurer le vélo (Corder et al, 2007), peu d’études ont évalué l’efficacité des seconds. Notre étude avait donc pour objectif d’évaluer l’efficacité de l’accéléromètre Actical (voir photo ci-dessous), le même modèle qui a été utilisé dans l’Enquête canadienne sur les mesures de santé.

Nous avons recruté 15 participants et ils avaient comme tâche de faire 3 aller-retour entre l’hôpital pour enfants où je travaille et une école située à 1.2 km – 1 fois à pieds, à vélo et en voiture respectivement. Ils devaient porter l’accéléromètre sur la hanche droite et indiquer dans un journal de bord l’heure à laquelle ils ont commencé et terminé le trajet pour chaque mode de transport. Par la suite, nous avons classifié chacun des modes de transport en fonction de l’intensité (sédentaire, faible, moyenne et élevée) selon des critères validés auparavant.

La bonne nouvelle, c’est que la marche a été adéquatement classifiée comme une activité physique d’intensité moyenne et les déplacements en voiture ont été classifiés comme une activité sédentaire pour chacun des participants. Malheureusement, pour tous les participants sauf un, le vélo a été classifié comme une activité d’intensité faible (voire très faible). Pour l’autre sujet, le vélo a même été classifié comme une activité sédentaire ! Or, le vélo est habituellement une activité plus intense que la marche (Shephard, 2008).

Cette étude-pilote illustre la nécessité de trouver de meilleurs outils pour mesurer l’activité physique associée au vélo. Pour ce faire, il faudrait valider les nouveaux outils en les comparant à un étalon ou gold standard ; par exemple, un calorimètre portatif qui permet de mesurer directement la consommation d’oxygène et le gaz carbonique (CO2) expiré. En attendant un outil plus efficace, il est nécessaire de ne pas se fier uniquement à l’accéléromètre si l’on compare le niveau d’activité physique des cyclistes utilitaires à celle des automobilistes.

Références

Corder K, Brage S, Ekelund U (2007). Accelerometers and pedometers: methodology and clinical application. Current Opinion in Clinical Nutrition and Metabolic Care, 10(5), 597-603.

Esliger DW, Tremblay MS (2007) Physical activity and inactivity profiling: the next generation. Applied Physiology, Nutrition and Metabolism, 32 (Suppl. 2), 197-207.

Larouche R, Colley C, Tremblay MS (2011). Actical accelerometers are limited in their ability to accurately quantify the movement intensity of cycling. Applied Physiology, Nutrition and Metabolism, 36 (Suppl.), S334.

Shephard RJ (2003). Limits to the measurement of physical activity by questionnaires. British Journal of Sports Medicine, 37(3), 197-206.

Shephard RJ (2008). Is active commuting the answer to population health. Sports Medicine, 38(9), 751-758.

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