vendredi 9 septembre 2011

Le transport actif et le risque d'obésité infantile : une vaste étude Danoise

À l'heure actuelle, l'impact du transport actif sur l'obésité chez les jeunes demeure incertain : plusieurs études ont montré que les jeunes qui font du transport actif sont moins susceptibles de faire de l'embonpoint ou d'être obèses. Cependent, environ la moitié des études n'ont montré aucune différence significative entre les jeunes qui utilisent la marche ou le vélo et ceux qui se rendent à l'école en voiture ou en autobus. De plus, un faible nombre d'études (moins de 10%) rapportent, à l'inverse, que le transport actif est associé à un plus grand risque d'obésité. (Lubans et al., 2011). Comment expliquer cette situation?

D'abord, dans des pays comme le Canada, les États-Unis et l'Australie, le transport actif est plus commun chez les jeunes provenant de familles plus démunies. Or, dans les pays industrialisés, les plus démunis sont nettement plus à risque d'être obèses, et les différences entre les niveaux socio-économiques sont assez importantes. Si la pauvreté est associée à la fois au transport actif et à l'obésité, cette variable vient donc brouiller les cartes.

D'après les lois de la thermodynamique, un individu brûle plus de calories en marchant ou en faisant du vélo que lorsqu'il est assis ; ça va de soi. Par contre, certains jeunes pourraient "compenser" pour la dépense énergétique associée au transport actif durant le reste de la journée soit : 1) en réduisant leur niveau d'activité physique ; 2) en consacrant plus de temps à des activités sédentaires; ou 3) en mangeant plus. Les études scientifiques publiées jusqu'à maintenant indiquent que les jeunes qui font du transport actif accumulent de 0 à 45 minutes d'activité physique de plus durant l'ensemble de la journée (Faulkner et al., 2009). Cependant, la plupart des études n'ont pas évalué s'il y avait des différences au niveau de l'alimentation ou du temps consacré à des activités sédentaires.

D'autres raisons ont été proposées par des chercheurs pour expliquer les résultats contradictoires:
- Dans plusieurs études le nombre de jeunes faisant du transport actif est très faible (particulièrement pour le vélo). Pour que les analyses statistiques soient en mesure de détecter des différences entre les groupes, ça prend un certain nombre de participants, faute de quoi on dit que l'étude manque de puissance statistique. Cette situation pourrait affecter plusieurs des études menés jusqu'à présent (Bere et Anderson, 2009).
- Pour contrer ce manque de puissance statistique, un certains nombre d'études ont opté pour comparer les individus qui font du transport actif au moins une fois par semaine avec ceux qui n'en font pas du tout. D'autres ont du combiner les marcheurs et les cyclistes pour cette même raison. Ceci peut également biasier les résultats. (Faulkner et al., 2009).

Pendant ce temps, au Danemark...

Un groupe de chercheurs a décidé de prendre les grands moyens. Ils ont demandé à TOUS les élèves de la 7è à la 9è année qui habitaient la ville d'Odense (dont la population est comparable à celle de Sherbrooke) de remplir un questionnaire sur les habitudes de vie. Près de 80% d'entre eux ont accepté de participer à l'étude, soit 4005 participants (Ostergaard et al, sous presse).

Pas moins de 62% des participants se rendaient à l'école en vélo (contrairement à moins de 5% au Canada...), 21,7% à pieds, et seuls 16,4% faisaient du transport passif (autobus ou en voiture). Les résultats indiquent que la proportion de cyclistes étaient nettement plus élevée chez les jeunes de nationalité Danoise (70.28 vs. 29.72%) et ceux dont les deux parents travaillaient.

Les cyclistes avaient un indice de masse corporelle plus faible et ce, même lorsque les analyses statistiques étaient ajustées pour l'âge, le genre, l'ethnicité, le niveau socio-économique et le niveau d'activité physique. Les cyclistes étaient également moins susceptibles de faire de l'embonpoint ou d'être obèse. Quant à eux, les marcheurs étaient moins susceptibles de faire de l'embonpoint que ceux qui faisaient du transport passif. Les différences en fonction des modes de transport n'étaient pas énormes, mais il est important de spécifier qu'une petite différence, lorsque généralisée à l'ensemble de la population, peut avoir un impact majeur en termes de santé publique.

Ces résultats permettent de palier à certaines des lacunes que j'ai mentionnées. La principale force de l'étude est la taille de son échantillon qui lui confère une puissance statistique considérable. Les chercheurs ont également analysé le vélo et la marche séparément et leurs résultats suggèrent que le vélo aurait un impact plus important. Enfin les analyses statistiques ont tenu compte du niveau socio-économique.

Cependant, puisqu'il ne s'agit pas d'une étude longitudinale, ces résultats ne permettent pas d'affirmer si le transport actif prévient l'obésité ou si le fait d'être plus mince favorise le transport actif. C'est probablement un peu des deux, mais les données actuelles ne permettent pas de tirer une conclusion définitive à ce sujet. Cela dit, il s'agit là d'une question pour les intellectuels.

Considérant l'énorme taux de participation de cette étude, les résultats apparaissent généralisables, au moins au Danemark (sinon davantage). D'ailleurs, même en l'absence de perte de poids, le vélo utilitaire est associé à une pratique d'activité physique et à une capacité cardiovasculaire supérieure (Faulkner et al, 2009; Lubans et al., 2011) - deux importants facteurs de protection contre les maladies cardiovasculaires.


Références

Bere E, Andersen LB. Why no support for an association between active commuting to school and weight status in the literature. J Phys Act Health. 2009;6:533-534.

Faulkner GEJ, Buliung RN,
Flora PK
, Fusco C. Active school transport, physical activity levels and body weight of children and youth: a systematic review. Prev Med. 2009;49:3-8.


Lubans DR, Boreham CA, Kelly P, Foster CE. The relationship between active travel to school and health-related fitness in children and adolescents: a systematic review. Int J Behav Nutr Phys Act. 2011;8(5). http://www.ijbnpa.org/content/8/1/5/abstract

Ostergaard L, Grontved A, Borrestad LAB, Froberg K, Gravesen M, Andersen LB. Cycling to school is associated with lower BMI and lower odds of being overweight or obese in a large population-based study of Danish adolescents. J Phys Act Health. In press.

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