mardi 3 mai 2011

Chronique sur l'impact des médias : prise 2

Dans mon billet de samedi dernier, je critiquais le rôle des médias en ce qui a trait à la prévention de l'obésité. Un des aspects sur lesquels j'ai insisté est cette opposition quasi systématique aux interventions du gouvernement en matière de promotion de saines habitudes de vie. Je pensais vous parler de l'adéquation de l'environnement bâti avec la marche aujourd'hui, mais je suis tombé sur une chronique du quotidien La Presse qui illustre précisément la situation que je critiquais.

La chronique de la journaliste Marie-Claude Lortie commence par un long préambule démagogique où elle explique que, selon elle, les aliments sains n'existent pas et que par conséquent, tous les aliments sont équivalents. La première partie de son argument n'est pas entièrement fausse ; il est possible de prendre du poids même si on ne mange que des aliments "santé". Par contre, il est important de mentionner que toutes les calories ne sont pas égales. On évalue que la digestion des aliments "brûle" environ 10% des calories consommées, mais cette proportion peut varier considérablement. La digestion des sucres simples ne nécessite presque pas d'énergie tandis que la digestion des noix peut nécessiter l'équivalent de 30% des calories. Des études récentes - dont celles de mon collègue Jean-Philippe Chaput (2009) - illustrent que le manque de calcium est associé à l'obésité, même lorsqu'on contrôle statistiquement pour d'autres facteurs comme la quantité de calories, l'activité physique, etc. C'est sans parler des vitamines et des minéraux que l'on ne retrouve pas en quantité équivalente dans tous les aliments.

Sur ce, passons au reste de son texte dont le but est clair : dénoncer l'intervention du gouvernement en matière d'éducation à la santé dans les écoles. Bref, selon elle, promouvoir une alimentation plus saine équivaut à mettre les gens au régime (comme si les jeunes ne pouvaient pas "compenser" en mangeant davantage en dehors de l'école...) Il y a une différence majeure entre suivre un régime (donc consommer significativement moins de calories qu'on en dépense dans le but de perdre du poids) et simplement équilibrer son alimentation avec sa dépense énergétique afin de prévenir le gain de poids excédentaire. C'est ce deuxième objectif que le gouvernement vise avec sa stratégie qui n'est certes pas suffisante, mais il s'agit au moins d'un pas dans la bonne direction.

Vers la fin de sa chronique, elle cite à tort et à travers une étude scientifique (sans fournir la référence). Le problème : l'article cité n'a absolument rien à voir avec les politiques concernant la nutrition dans les écoles. Le texte parle plutôt de sous-nutrition durant la grossesse...

Pourtant, parmi les leçons importantes à tirer des efforts de prévention du tabagisme, l'intervention du gouvernement n'est certainement pas à négliger (Yach et al., 2005). Cela dit, comme l'indique un article du Journal of the American Medical Association, il est plus facile d'obtenir le soutien du public pour implanter des politiques contraignantes contre le tabac compte tenu des impacts bien documentés de la fumée secondaire (Gostin, 2007). Cependant, il ne faut pas négliger le fait que c'est l'ensemble de la population qui doit assumer les coûts associés à l'obésité.

Enfin, Friedman (2003) a publié un excellent article dans la revue Science dans lequel il insiste que l'on doit mener une lutte contre l'obésité, et non pas contre les personnes obèses. Selon lui, il sera impossible de trouver des solutions au problème de l'obésité tant que l'on continuera à blâmer les personnes obèses et tant qu'on entretiendra la croyance selon laquelle il s'agit d'avoir un peu de bonne volonté pour mieux manger et faire plus d'exercice. Les facteurs environnementaux exercent une grande influence sur les habitudes de vie individuelle et le moins que l'on puisse dire, c'est que l'environnement actuel ne facilite pas les choix santé. Par conséquent, les interventions du gouvernement doivent éviter de stigmatiser les personnes obèses et, la façon la plus approprié de le faire est de cibler l'ensemble de la population (Friedman, 2003). À cet égard, l'éducation à la santé est une stratégie très adéquate.


Références

Chaput, J-P., Leblanc, C., Pérusse, L., Després, J-P., Bouchard, C., Tremblay, A. (2009). Risk factors for adult overweight and obesity in the Québec Family Study: Have we been barking up the wrong tree? Obesity, 17, 1964-1970.

Friedman, J.M. (2003). A war on obesity, not the obese. Science, 299, 856-858.

Gostin, L.O. (2007). Law as a tool to facilitate healthier lifestyles and prevent obesity. Journal of the American Medical Association, 297, 87-90.

Yach, D. et al. (2005). Improving diet and physical activity: 12 lessons from controlling tobacco smoking. British Medical Journal, 330, 898-900.

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