samedi 30 avril 2011

Les médias nuisent-ils aux efforts de prévention de l’obésité?

De toute évidence, le thème de l’obésité est de plus en plus présent dans les médias (journaux, télévision, internet, etc.). Les médias sont habituellement prompts à diffuser les données concernant la prévalence de l’obésité et les coûts associés à cette problématique.  D’autre part, les chercheurs s’entendent de plus en plus pour affirmer que l’obésité n’est pas seulement un problème individuel résultant d’une alimentation excessive et/ou de la sédentarité. Plusieurs facteurs environnementaux sont associés à l’obésité – y compris les politiques publiques mises en place par les gouvernements.

Par conséquent, il y a un débat quant aux politiques que devraient adopter les gouvernements afin de lutter contre l’obésité. Devraient-ils instaurer une taxe sur les boissons gazeuses et les boissons énergétiques? Ou subventionner les fruits et légumes afin de les rendre plus accessibles? Ou bannir les comptoirs de restauration rapide à proximité des écoles? Construire plus d’arénas, de terrains de jeu et de pistes cyclables? Ou démarrer une campagne médiatique afin de faire la promotion de saines habitudes de vie? Bref, il existe une longue liste de possibilités et chacune d’entre elles possède ses coûts et ses bienfaits potentiels.

Hier matin, dans le cadre du 2è congrès national sur l’obésité, le professeur Timothy Caulfield de l’Université de l’Alberta a fait une excellente présentation sur la façon dont les médias présentent les politiques portant sur l’obésité. Malheureusement, les données ne sont pas très réjouissantes. En effet, ils ont toujours tendance à présenter les personnes obèses comme des gens qui mangent mal, ne font pas d’exercice et manquent de volonté pour changer leurs habitudes de vie. L’exemple classique est celui d’un article sur l’obésité ou on voit la photo d’une personne obèse qui mange du McDonald’s… Cette vision caricaturale est très nuisible.

Dans les pays où le conservatisme social est très présent (États-Unis, Canada et Royaume-Uni), les médias préfèrent les interventions qui mettent l’accent sur les comportements individuels (alimentation et activité physique) et, dans une moindre mesure, sur l’éducation à la santé. Ce traitement médiatique exerce une grande influence sur les perceptions des gens qui sont amenés à considérer l’obésité simplement comme une conséquence des choix individuels. Par conséquent, plusieurs personnes ont tendance à blâmer les victimes et les cas de discrimination relié au poids sont très fréquents. À l’opposé, les stratégies visant à rendre l’environnement plus favorable à l’adoption de saines habitudes de vie sont jugées beaucoup plus sévèrement par les médias, surtout lorsqu’elles impliquent une réduction du sacro-saint libre choix. Cette fermeture d’esprit a un impact sur l’intérêt accordé aux stratégies plus « musclées ».


La campagne Vas-y

Je vais maintenant contraster ces résultats avec l’exemple de la campagne médiatique Vas-y, fais le pour toi qui avait été conçue par le gouvernement du Québec au milieu des années 2000 (à laquelle ma collègue Megan Carter a fait allusion il y a quelques jours. Le professeur François Trudeau de l’université du Québec à Trois-Rivières a reçu le mandat d’évaluer l’efficacité de cette campagne de promotion. Dans le cadre de mon stage de baccalauréat, j’ai participé à ce projet et l’une de mes tâches consistait à rassembler des articles concernant l’opinion des médias face à ce programme. Leurs opinions[i] étaient clairement défavorables : certains s’insurgeaient que « le gouvernement nous dise quoi faire et quoi manger », qu’il « gaspille nos impôts », que les messages publicitaires étaient condescendants et que « l’horrible » mascotte bleue n’avait même pas l’air d’une personne en santé.

Par contre, les données récoltées dans l’étude d’impact ne sont pas aussi négatives. Dans ce projet, 1200 participants (600 parents, 300 enfants et 300 adolescents) ont rempli un questionnaire portant sur leurs habitudes de vie et leur perception de la campagne Vas-y. 78% des enfants et 62% des parents avaient été en contact avec la campagne dans le mois précédant l’étude et, contrairement aux médias, leur perception des messages publicitaires était plutôt favorable (particulièrement pour les enfants). Par contre, il n’y a pas eu de changements significatifs au niveau des habitudes alimentaires et de la pratique d’activité physique. Ces résultats suggèrent donc que la campagne a sensibilisé certaines personnes, mais que cette sensibilisation n’est pas suffisante ; il faudrait aussi intervenir pour rendre l’environnement plus favorable à l’adoption de saines habitudes de vie.

Cela dit, la bonne nouvelle, c’est que malgré une perception médiatique très défavorable, les participants ne partageaient généralement pas cette vision des choses (et les nombreuses parodies du bonhomme bleu nous ont bien fait rire, il faut l’admettre). Je garde donc l’espoir qu’un jour, un ensemble de politique seront instaurées afin de réduire, à long terme, la prévalence de l’obésité. Il existe quand même des précédents : après des dizaines d’années, la prévalence du tabagisme a diminué considérablement dans la plupart des pays occidentaux. En Finlande, les efforts de prévention des maladies cardiaques ont permis de réduire la consommation de sodium de 5000 mg (deux fois le maximum recommandé) à environ 3500 mg. Il reste encore beaucoup de chemin à faire, mais la tendance est à l’amélioration. Par contre, de ce côté de l’Atlantique, les médias ne contribuent peu ou pas du tout à cette amélioration.



[i] Je me suis limité aux opinions politiquement correctes pour ce billet…

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