vendredi 11 février 2011

Le vélo d’hiver : délinquance?

Les lecteurs assidus de ce blogue ont probablement déjà deviné ma réponse courte à cette question… Cela dit, je vais commencer par une petite mise en contexte.

Cette question est tirée mot pour mot d’une chronique sur la tribune de Radio-Canada. Les deux invités sont des adeptes du vélo d’hiver : l’un d’entre eux se définit comme un « irréductible cycliste » tandis que l’autre utilise parfois le vélo et parfois le transport en commun. Pour sa part, l’animatrice joue le rôle de l’avocate du diable en questionnant les invités sur les raisons qui les amènent à utiliser leur vélo durant l’hiver et sur les barrières typiquement évoquées (le froid, la neige, la chaussée glissante, le comportement des automobilistes, etc.).

Il faut dire que le vélo est un mode de transport très peu commun au Québec, particulièrement en hiver. Plusieurs automobilistes ne sont pas habitués à la présence des cyclistes sur les routes durant la saison froide, donc les cyclistes doivent redoubler de prudence et s’assurer d’être visibles. Mis à part un minime « Réseau blanc » dans la ville de Montréal, les pistes cyclables ne sont tout simplement pas déneigées. Ces facteurs font en sorte qu’un certain nombre de personnes s’opposent à la pratique du vélo hivernal. En tant que cycliste, je peux vous attester que nous nous faisons observer comme si nous étions des extra-terrestres !

Justement, il y a environ 2 ans, la ville de la Tuque située à environ 175 kilomètres au nord de Trois-Rivières sortait des boules à mites un règlement municipal pour le moins inusité et controversé. Ce règlement interdisait carrément la pratique du vélo durant l’hiver suite à UN SEUL accident mortel survenu durant l’hiver. Heureusement, ce règlement absurde a été modifié suite aux protestations d’honnêtes citoyens. Il n’en demeure pas moins qu’il existe toujours un débat à savoir si le vélo devrait être permis en hiver… et pas seulement dans la ville natale de Félix Leclerc.

À l’école secondaire où je suis allé, toutes les formes de transport actif étaient interdites 12 mois par année. La raison évoquée : les assurances ne voulaient pas couvrir le « risque ». J’avoue que l’école était située près d’une sortie d’autoroute, mais selon moi, ce n’est définitivement pas que c’est une raison suffisante pour interdire le vélo.

Ironiquement, j’ai rencontré un employé du programme Safe Routes to School dans un congrès en novembre dernier et il me racontait comment cette même école avait catégoriquement refusé que ce programme visant précisément à améliorer la sécurité du transport scolaire (tout en faisant la promotion du transport actif) soit implanté !

Maintenant, pour répondre à la question autrement que par un NON retentissant, voici quelques raisons pour lesquelles je considère que le vélo hivernal ne constitue pas une forme de délinquance et ne devrait pas être interdit.

1)      D’entrée de jeu, le mot délinquance sous-entend que la personne qui fait du vélo l’hiver enfreindrait une loi ou un règlement, ce qui n’est pas le cas parce que (heureusement !) rares sont les villes qui ont adopté un règlement interdisant le cyclisme hivernal.

2)      L’individu qui utilise son vélo en hiver ne met pas en danger les autres utilisateurs de la route. L’individu devrait donc être libre d’évaluer les bienfaits et les risques potentiels et de prendre la décision qui lui semble la plus appropriée. En ce sens, une interdiction du vélo représenterait du paternalisme abusif.

3)      Au Québec, plus de 40% des émissions de gaz à effet de serre sont attribuables au secteur du transport. Pourquoi tirer à boulets rouge sur les individus qui contribuent à améliorer notre bilan environnemental?

4)      L’utilisation du vélo permet de réduire la congestion routière qui coûte des milliards de dollars annuellement (essence, perte de productivité, etc.). D’ailleurs, j’ai bien apprécié un commentaire d’un des invités de Radio-Canada : « Moi, c’est un évènement lors d’une tempête qui a fait en sorte que j’ai décidé d’être un irréductible en hiver (…) Pour un trajet qui me prenait 11 minutes en vélo, ça m’avait pris 45 minutes en transport en commun cette journée-là. »

5)      Les bienfaits du vélo pour la santé dépassent très largement les risques encourus (de Hartog et al., 2010).


Références

de Hartog, J.J., Boogaard, H., Nijland, H., Hoek, G. (2010). Do the health benefits of cycling outweigh the risks? http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC2920084/

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