mardi 16 novembre 2010

Et si on bougeait un peu plus à l’école

Voici ma réaction à un excellent article intitulé « Et si on bougeait un peu plus à l’école » paru dans le journal local La Revue de la semaine dernière. C'est en quelque sorte une suite logique de mon billet précédent... L'opinion de l'auteur, Louis-Philippe Brûlé est en accord avec la littérature scientifique sur le sujet. Plusieurs chercheurs ont observé que l’éducation physique – tout comme l’activité physique en général – favorise  la réussite scolaire (Trudeau et Shephard, 2008). En voici un exemple…

Dans les années 1970, un groupe de chercheurs de l’Université du Québec à Trois-Rivières a développé un programme d’éducation physique expérimental très innovateur dans le cadre de l’Étude longitudinale de Trois-Rivières. De la première à la sixième année, les élèves avaient 5 heures d’éducation physique par semaine. Durant les premières années du primaire, une emphase particulière était apportée au développement des habiletés psychomotrices. Les élèves avaient également la chance d’expérimenter des activités rarement offertes au primaire comme la raquette, le hockey sur glace et le patinage artistique. Les 546 participants étaient répartis dans deux écoles : une à Trois-Rivières (milieu urbain) et une à Pont-Rouge (milieu rural, du moins à l’époque).

Pendant tout ce temps, les élèves du groupe expérimental étaient comparés à ceux du groupe témoin qui recevait 40 minutes d’éducation physique par semaine. À la fin du programme, ils avaient une meilleure capacité cardiovasculaire, de meilleures habiletés motrices et ils étaient plus forts et plus endurant. De plus, malgré une réduction de 14% du temps passé en classe, ils ont obtenus de meilleurs résultats dans la plupart des matières académiques.

Un premier suivi de l’Étude de Trois-Rivières a illustré qu’à l’âge de 35 ans, les participants du groupe expérimental avaient moins de maux de dos et leurs habiletés psychomotrices étaient encore supérieures. Les femmes du groupe expérimental  faisaient davantage d’activité physique que celles du groupe témoin. J’ai eu la chance d’interviewer plusieurs de ces individus dans le cadre de mes travaux de maîtrise en 2008-2009. Il n’y avait plus de différences au niveau de la pratique d’activités physiques entre les participants des deux groupes, maintenant âgés de 45 ans. Dans les deux groupes, la pratique d’activités physiques a diminué avec l’âge et le déclin le plus prononcé a été lors du passage aux études supérieures (Larouche, 2009).

Par contre, lorsqu’on leur demandait combien d’heures par semaine devraient être attribuées aux cours d’éducation physique, ils recommandaient 38 minutes de plus que ceux du groupe témoin (soit 3h44 vs. 3h06). Le manque d'occasions de bouger était la raison principale pour laquelle les 86 participants interviewés considéraient à l'unanimité (!) que le temps consacré à l'éducation physique dans les écoles primaires et secondaires est insuffisant.

Lorsque j’ai rencontré les participants à Pont-Rouge, j’ai pu constater que la municipalité entretien les infrastructures développées pour l’Étude de Trois-Rivières avec grand soin et, d’ailleurs, rares sont les municipalités de cette taille avec autant d’infrastructures pour le sport et l’activité physique. Le complexe sportif porte le nom de feu Hughes Lavallée, un des deux principaux chercheurs de l’étude originale tandis que son collègue Roy J. Shephard (professeur émérite de l’Université de Toronto) demeure l’un des chercheurs les plus productif dans le domaine des sciences de l’activité physique, à plus de 80 ans !

En somme, l’Étude de Trois-Rivières a illustré les bienfaits de faire bouger davantage les jeunes, autant sur la condition physique que sur la réussite scolaire. Aujourd’hui, il s’agit toujours de la seule étude où les impacts à long terme d’un programme expérimental d’éducation physique ont été évalués. Cela dit, les résultats sont cohérents avec d’autres études où les participants ont été suivis sans qu’il n’y ait d’intervention particulière (Trudeau et Shephard, 2005)[1]

Ainsi, la conclusion selon laquelle augmenter les occasions de bouger à l’école devrait être considérée comme un investissement, et non comme une dépense s’avère justifiée. D’autre part, il a aussi été démontré que les jeunes sont plus actifs dans les cours d’éducation physiques enseignés par des spécialistes que lorsqu’ils sont supervisés par des titulaires de classe (Sallis et al., 1997).

Références

Larouche, R. (2009) Étude longitudinale de la pratique d’activités physiques et analyse des périodes critiques. Mémoire de maîtrise. Trois-Rivières : Université du Québec à Trois-Rivières.
Sallis, J. F., McKenzie, T. L., Alcaraz, J. E, Kolody, B., Faucette, N., & Hovell, M. F. (1997). The effect of a 2-year physical education program (SPARK) on physical activity and fitness in elementary school students. American Journal of Public Health, 87 (8), 1328-1334.

Trudeau, F., & Shephard, R. J. (2005). Contribution of school programmes to physical activity levels and attitudes in children and adults. Sports Medicine, 35 (2), 89-105.
Trudeau, F., & Shephard, R. J. (2008). Physical education, school physical activity, school sport and academic performance. International Journal of Behavioral Nutrition and Physical Activity, 5, 10.


[1] La revue de la littérature de Trudeau et Shephard (2005) propose aussi un résumé des principaux résultats de l’Étude de Trois-Rivières.

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