Dans
un article récemment publié dans la revue BMC Public Health, nous avons décrit les facteurs associés au transport actif
chez un échantillon de 567 jeunes de 4è et 5è année dans la ville d’Ottawa
(Larouche et al., 2014). Les participants ont été recrutés dans 26 écoles
Anglophones et Francophones. Ils ont rempli un questionnaire dans lequel ils
devaient entre autres indiquer le mode de transport qu’ils utilisent
habituellement pour aller à l’école et la durée habituelle de leur trajet
scolaire.
Les
directeurs d’écoles ont également rempli un questionnaire qui portait notamment
sur les politiques scolaires reliées à la promotion des saines habitudes de vie
(incluant le transport actif) et sur leur perception par rapport au quartier
dans lequel leur école était située.
Troisièmement,
un membre de notre groupe de recherche a effectué un audit de l’école et des
environs. Il devait entre autres noter s’il y avait des trottoirs des deux
côtés de la rue, des infrastructures cyclables, des mesures d’apaisement de la
circulation (ex : dos d’âne, rétrécissement de la chaussée près des
intersections, etc.) et des signaux indiquant aux automobilistes qu’ils se
trouvent dans une zone scolaire.
Davantage
de détails sur la méthodologie et les résultats sont fournis dans notre article
qui est accessible gratuitement en cliquant ici. Je propose un résumé des
principaux résultats dans les paragraphes suivants.
Résultats
Nous
avons observé que les jeunes fréquentant une même école avaient tendance à
avoir des habitudes de transport similaires[i].
Sans surprise, les jeunes dont le trajet scolaire prenait plus de 15 minutes
étaient moins enclins à utiliser le transport actif. Il était intéressant de
constater que le taux d’utilisation du transport actif était égal chez les
jeunes rapportant des trajets de moins de 5 minutes et de 5 à 15 minutes.
Un
résultat plus surprenant est que, lorsque le directeur d’école croyait qu’il y
avait un taux de criminalité élevé dans les environs de l’école, les jeunes
étaient plus enclins à utiliser le transport actif. Ce résultat paradoxal est
néanmoins cohérent avec une étude Québécoise (Pabayo
et al., 2012) Une explication potentielle est que les directeurs d’écoles où
beaucoup de jeunes utilisaient le transport actif étaient portés à exprimer
plus de crainte. Une autre possibilité est que le transport actif est souvent
plus commun dans les milieux plus défavorisés où, par ailleurs, le taux de
criminalité tend à être plus élevé.
D’autre
part, la probabilité que les garçons utilisent le transport actif était environ
deux fois plus élevée que chez les filles. Similairement, dans les écoles où
les directeurs affirmaient employer des brigadiers pour aider les jeunes à
traverser les rues problématiques, nous avons observé un taux d’utilisation du
transport actif environ deux fois plus élevé.
Un plan de
déplacements, c’est bien, mais…
Notre
résultat le plus marquant est que les jeunes qui allaient à une école où des
trajets sécuritaires étaient identifiés pour les piétons et cyclistes (tel que
rapporté par le directeur) et
où notre équipe de recherche a observé des mesures d’apaisement de la
circulation, la probabilité d’utilisation du transport actif était près de 8
fois plus élevée. Toutefois, si une seule de ces mesures était en place, ce
n’était pas suffisant pour encourager l’utilisation du transport actif. Comme
une image vaut mille maux, voici le graphique illustrant cette synergie.
L’implication
pratique de ce résultat pour les interventions visant à promouvoir le transport
actif est qu’il est préférable d’utiliser les mesures visant à rendre
l’environnement bâti plus sécuritaire en combinaison avec des stratégies visant
à sensibiliser les jeunes et leurs parents.
Globalement,
les interventions reliées au transport actif ont jusqu’à maintenant obtenu des
succès mitigés (Chillon et al., 2011). Certaines interventions ont été efficaces
tandis que d’autres n’ont pas engendré de changement des habitudes de transport
scolaire. On sait peu de choses sur ce qui distingue les interventions
efficaces et inefficaces. Toutefois, une étude menée en Oregon indique que les
interventions ciblant à la fois l’environnement bâti et l’environnement social
(par exemple, les enseignants, parents et élèves) ont entraîné une plus forte
augmentation du transport actif que les interventions moins globales (McDonald,
2013). Ces résultats sont cohérents avec les nôtres.
Références
Chillón P, Evenson KR, Vaughn A, Ward DS: A systematic review of
interventions for promoting active transportation to school. International Journal of Behavioral Nutrition
and Physical Activity. 2011,8(10).
Larouche R, Chaput J-P, Leduc G, Boyer C, Bélanger P,
LeBlanc AG, Borghese MM, Tremblay MS. (2014). A
cross-sectional examination of socio-demographic and school-level correlates of
children’s school travel mode in Ottawa, Canada. BMC
Public Health, 14, 497.
McDonald NC, Yang Y, Abbott SM, Bullock AN. Impact of
the Safe Routes to School program on walking and biking: Eugene, Oregon study. Transport Policy.
2013,29:243-248.
[i] Pour les connaisseurs,
la corrélation intra-classe était de 0.31 dans le modèle initial incluant
uniquement l’école des participants. Nous avons donc utilisé des modèles de
régression logistique multi-niveaux ajustés pour la ressemblance des habitudes
de transport à l’intérieur d’une même école. Dans notre modèle final incluant
toutes les variables décrites dans ce billet, la corrélation intra-classe
n’était plus que de 0.03 et elle n’était pas significative statistiquement.
Ceci indique que les variables de notre modèle expliquent la majorité (soit
près de 90%) de cette ressemblance.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire