Ce lundi, j’ai assisté à une conférence du professeur
Kay Teschke de l’University of British
Columbia portant sur les préférences des gens en matière d’infrastructures
cyclables et le risque d’accidents associé à différent types d’infrastructures.
En compagnie d’autres chercheurs, elle a entamé le
programme de recherche Cycling in Cities
en 2004. Dans un premier temps, ils ont effectué une enquête d’opinion portant
sur les perceptions individuelles par rapport à 16 différents types d’infrastructures.
Le questionnaire comportait 3 photos de chaque type d’infrastructure afin de
s’assurer que les participants saisissent bien de quoi il était question.
Les pistes cyclables
hors route – qu’elles soient pavées ou non – étaient le type d’infrastructure
préféré autant chez les hommes que chez les femmes. Venaient ensuite
les bandes cyclables séparées physiquement du trafic le long de rues
importantes (ou cycle tracks[i])
et les rues résidentielles avec un faible volume de circulation. Les
infrastructures les moins appréciées étaient, sans grande surprise, les artères
majeures dépourvues d’aménagements pour les cyclistes. Il est à noter que les
femmes appréciaient les pistes cyclables et les bandes cyclables séparées du
trafic autant que les hommes. Par contre, elles percevaient les routes rurales
et les artères majeures de façon plus négative que les hommes.
Les principaux facteurs qui encourageaient le vélo incluaient entre autres :
- La
possibilité d’éviter la circulation dense et la pollution.
- Le
fait d’avoir une courte distance à parcourir
- Un
itinéraire peu vallonné
- Le
fait de pouvoir effectuer son itinéraire à la clarté
- La
possibilité de combiner le vélo et le transport en commun
- La
présence de stationnements sécuritaires pour le vélo
- La
qualité de l’intégration et la signalisation du réseau cyclable
À l’opposé, les facteurs qui décourageaient le vélo incluaient notamment :
- La
présence de neige ou de glace, de vitre et autres débris
- La
circulation dense et le risque d’accident
- La
vitesse de la circulation
- La
présence d’automobilistes qui ne savent pas adapter leur conduite à la
présence de cyclistes.
- La
pluie (surtout s’il pleut le matin)
- Un
itinéraire mal éclairé
- Un itinéraire
vallonné
Dans un deuxième temps, l’équipe du professeur Teschke
et d’autres chercheurs de l’Université de Toronto ont effectué une étude
portant sur le risque de blessures chez les cyclistes (Teschke et al., 2012).
Ils ont recruté 690 cyclistes qui ont subi des blessures assez sérieuses pour
être traités en salle d’urgence dans l’un des hôpitaux participants. Les
participants devaient toutefois se souvenir de l’itinéraire qu’ils avaient
emprunté. Les chercheurs ont comparé le site de l’accident avec deux autres
sites choisis au hasard le long de l’itinéraire emprunté. Cette méthodologie permet
de faire en sorte que les résultats ne soient pas biaisés par les
caractéristiques des cyclistes (ex : l’âge et le sexe) et la météo le jour
de l’accident.
De cette façon, ils ont pu comparer le risque
d’accident associé à 15 différents types d’infrastructures. Les résultats
indiquent que les artères majeures sans aménagements
pour les cyclistes sont le type d’infrastructure le plus dangereux, mais aussi
le plus commun. Les chercheurs ont donc comparé le risque des autres types
d’infrastructure à celui des artères majeures sans aménagements pour les
cyclistes.
Le type d’infrastructure le plus sécuritaire était les
bandes cyclables séparées physiquement du trafic – même si ces dernières sont
typiquement situées le long de rues importantes. Le risque relatif d’accident y était 9 fois plus faible que celui des
artères majeures sans aménagements pour les cyclistes. Malheureusement, il
s’agit du type d’infrastructure le plus rare : seulement 6 kilomètres à
Vancouver et un gros 0 au fief de Rob Ford.
Le risque d’accident était réduit d’environ la moitié
sur les pistes cyclables hors route. On aurait pu s’attendre à une réduction
plus importante, mais il y a plusieurs facteurs qui peuvent expliquer ces
résultats. D’abord, les cyclistes doivent partager les pistes cyclables avec
différents utilisateurs circulant à des vitesses très différentes. La réduction
du risque était plus importante sur les pistes cyclables réservées uniquement
aux cyclistes. De plus, il y a souvent des ponts en bois qui deviennent très
glissants lorsqu’il pleut. À Vancouver, les pistes cyclables sont souvent
vallonnées et il n’est pas rare d’y trouver un dos d’âne en bas de la pente (!)
qui engendre des pertes de contrôle. Les pistes cyclables sont souvent conçues
pour les loisirs et elles longent fréquemment des cours d’eau sinueux, ce qui
fait en sorte que la visibilité est souvent limitée. Et il y a parfois des « dangers
publics » qui roulent en peloton à double file dans ces conditions… Il
serait donc possible d’améliorer considérablement la sécurité des pistes
cyclables avec un meilleur aménagement et davantage de civisme.
En intégrant les résultats des deux études, il ressort
deux conclusions importantes : 1) les artères majeures sont à la fois le
type d’infrastructure le plus commun, le plus dangereux et le plus détesté par
les cyclistes; 2) les bandes cyclables séparées physiquement du trafic sont le
type d’infrastructure le moins commun, le plus sécuritaire et parmi les favoris
des cyclistes.
En espérant que nos décideurs et urbanistes sauront
s’inspirer de ces résultats !
Références
Teschke K, Harris MA, Reynolds CC et al. Route infrastructure and
the risk of injuries to bicyclists: a case-crossover study. American Journal of Public
Health. 2012;102(12):2336-2343.
[i] Les bandes cyclables de
l’avenue Berri à Montréal et de l’avenue Laurier à Ottawa en sont des exemples
concrets. En Europe du Nord, ces infrastructures sont légion.
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