Il y a quelques mois, j’avais discuté sur ce blogue
du projet de politique sur les rues complètes dans la ville d’Ottawa. Il
s’agit essentiellement d’une politique qui requiert que les décideurs
considèrent également les besoins des piétons, cyclistes, utilisateurs du
transport en commun et automobilistes de tous âges lors de la construction, la
rénovation et l’entretien de toutes les rues et routes sous leur juridiction.
Ce printemps, la ville procédait à la
mise à jour de son plan directeur en matière de transport et il était loin d’être
certain qu’une politique sur les rues complètes y serait intégrée. Le nouveau
plan[i] a été dévoilé il y a
quelques semaines et il semble qu’une telle politique sera adoptée
prochainement. La photo ci-dessus illustre justement le projet de transformation de la rue Main en rue complète. Une consultation publique était organisée aujourd’hui pour
permettre aux citoyens d’exprimer leurs commentaires. Voici donc le discours
que j’ai prononcé ce matin devant le comité des transports à l’hôtel de ville.
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Chers membres du comité des transports,
Je vais faire la majorité de mon discours en
français, mais n’hésitez pas à me poser des questions en anglais. Je suis un
chercheur postdoctoral avec le Groupe de recherche sur les saines habitudes de
vie et l’obésité du Centre hospitalier pour enfants de l’Est de l’Ontario
(CHEO). À l’institut de recherche du CHEO, notre vision est « discoveries today for healthier kids
tomorrow ». Ainsi, nous nous intéressons non seulement à la prévention
et au traitement des maladies, mais aussi à l’amélioration de la santé globale.
C’est dans cette perspective que s’inscrivent mes travaux de recherche qui
portent spécifiquement sur le transport actif et l’activité physique.
Nous avons notamment effectué une revue exhaustive
de 68 études scientifiques portant sur le transport actif scolaire. Cette revue
indique que les jeunes qui vont à l’école en utilisant des modes de transport
actif sont plus actifs dans l’ensemble de la journée que ceux qui utilisent des
modes de transport motorisés. De plus, ceux qui vont à l’école à vélo sont en
meilleure forme physique.
Dans une étude auprès d’un échantillon
représentatif de l’ensemble de la population Canadienne, nous avons observé que
les adolescents de 12 à 19 ans qui font davantage de déplacements à vélo sont
plus actifs physiquement, plus minces, ont un tour de taille inférieur, une meilleure
forme physique et un taux de cholestérol inférieur.
D’ailleurs, plusieurs études ont montré que les
adultes qui utilisent le transport actif sont moins à risque de souffrir de
maladies cardiaques et d’accidents vasculaires cérébraux, et ont une espérance
de vie plus élevée.
Il est aussi bien connu que les habitudes sont l’un
des principaux déterminants du choix d’un mode de transport. Dans un article paru dans le British Medical Journal, le Dr. Ian Roberts affirmait: “With only
a handbrake and a handful of birthdays between the passenger’s seat and the
driver’s seat, it may be unrealistic to expect the chauffeured children of
today to become the ambulant adults of tomorrow”. Dans
le même ordre d’idées, en 2013, le Bulletin de l’activité physique chez les
jeunes de Jeunes en Forme Canada était intitulé « Conduisons-nous nos enfants à adopter des habitudes malsaines? »
Nous avons récemment examiné les facteurs associés
au transport actif chez une cohorte de jeunes d’Ottawa. La plus importante
barrière au transport actif scolaire était la distance entre l’école et la
maison. Cependant, autant les jeunes que leurs parents nous ont indiqué que
plusieurs aspects relatifs à la sécurité routière faisaient en sorte qu’ils
optaient pour le transport motorisé. Ces facteurs incluent notamment la densité
de la circulation, le manque de trottoirs et de pistes cyclables et la présence
d’intersections dangereuses sur leur itinéraire. Le développement d’un réseau
cyclable et piétonnier plus sécuritaire permettrait de minimiser ces barrières
au transport actif.
De plus, l’adoption d’une politique sur les rues
complètes ferait en sorte que les rues devraient être aménagées pour satisfaire
les besoins de tous les utilisateurs de la route, et non seulement ceux des automobilistes.
Évidemment, en tenant compte uniquement des besoins des automobilistes, on
néglige ceux des jeunes de moins de 16 ans. Ainsi, les jeunes sont dépendant
des adultes pour la majorité de leurs déplacements, retardant ainsi le
développement de leur autonomie et de leur sens d’orientation.
Une telle politique faciliterait également les
déplacements des personnes âgées et des personnes handicapées. Bien souvent, le
temps accordé aux piétons pour traverser les rues est trop court pour les gens
qui ont une mobilité réduite, ce qui les expose à un risque d’accident accru.
Nous appuyons également le projet de développement
d’un réseau de train léger desservant les banlieues de Kanata, Barrhaven et
Orléans. Ceci permettrait d’améliorer considérablement la qualité du réseau de
transport en commun et de diminuer la congestion routière. Ce serait aussi
avantageux pour les automobilistes qui habitent les quartiers semi-urbains et
ruraux de la ville d’Ottawa qui économisaient du temps dans leurs déplacements.
Il serait aussi possible de diminuer nos émissions
de gaz à effet de serre et de gaz d’échappement. Puisque les premiers
kilomètres d’un trajet en voiture sont les plus polluants, favoriser
l’utilisation de modes de transport durables pour les courts trajets quotidiens
présente un potentiel important à cet égard. Les particules fines, émises
notamment par les véhicules, sont d’ailleurs une cause importante de la
morbidité et de la mortalité cardiovasculaire, d’après l’American Heart Association.
D’autre part, l’un des principaux avantages de
promouvoir le transport actif est qu’il s’agit d’une solution gagnant-gagnant.
Autrement dit, il est possible d’obtenir à la fois des bienfaits en terme de
santé publique, d’environnement et aussi d’économie. Les données mentionnées
dans le plan de transport d’Ottawa mettent justement en évidence le fait que
les modes de transport actif sont beaucoup plus économes.
Parlant de solutions gagnant-gagnant, le Ministère
des Transports de l’Ontario a récemment dévoilé une stratégie pour la promotion
du vélo. Il s’agit donc d’une belle occasion pour la ville de travailler de concert avec le gouvernement
pour atteindre (voire même surpasser) les objectifs de son plan de transport.
Dans ce contexte, le plan de transport proposé me
semble un peu trop timide. À la lecture des objectifs mentionnés en pages 5 à 9
du plan, je me serait attendu à des objectifs plus ambitieux que la
stabilisation de la part modale de la marche et une augmentation de la part
modale du vélo de 2,7% à 5%. Dans le cas du vélo, plusieurs villes Américaines,
dont notamment Portland, Minneapolis, New York et Chicago ont triplé – voir
même quintuplé – la part modale du vélo en l’espace d’une dizaine d’années.
Entre autres, les projets peu couteux comme la construction de trottoirs, le
déneigement des voies cyclables et l’installation de mesures d’apaisement de la
circulation pourraient être réalisés beaucoup plus rapidement que prévu. Bien
que les objectifs proposés soient définitivement un pas dans la bonne
direction, j’ose espérer que la ville d’Ottawa saura faire preuve d’audace en
les révisant à la hausse.
Vous savez, en 1986, l’Organisation Mondiale de la
Santé a tenu une réunion de haut niveau dans la ville d’Ottawa ou fut
développée la Charte d’Ottawa sur la promotion de la santé. L’objectif de cette
charte est de faire en sorte que les choix santé soient les plus faciles à
faire. Faciliter l’utilisation des modes de transport durables s’inscrirait
clairement dans l’esprit de la Charte d’Ottawa.
Pour toute ces raisons, mes collègues et moi
encourageons fortement la ville d’Ottawa à aller de l’avant en adoptant une
politique sur les rues complètes et en améliorant
considérablement la qualité du réseau cyclable et du réseau de transport en
commun.
Voilà, merci beaucoup pour votre attention !
[i] La version anglaise du plan directeur est disponible à : http://app05.ottawa.ca/sirepub/cache/2/kfmwcby1f0lzdzmli1nwn3x2/8952611152013021555591.PDF
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