1) Développer des
communautés actives, prospères et en santé. L’objectif est de faire en sorte
que l’Ontario soit reconnue comme leader Canadien en matière de vélo et soit
parmi les 10 meilleures juridictions à travers le monde. Un autre objectif est
qu’au moins une ville Ontarienne figure parmi les 10 villes les plus
accessibles au vélo dans le monde.
2) Améliorer les
infrastructures cyclables pour faire en sorte que, dans la plupart des
communautés Ontariennes, l’environnement bâti facilite le vélo pour tous les
déplacements de moins de 5 kilomètres.
3) Rendre le réseau cyclable
plus sécuritaire pour les personnes de tous âges, visant un objectif de zéro
décès et peu de blessures sérieuses.
4) Sensibiliser la
population au vélo et promouvoir le changement d’habitudes de transport.
5) Développer
davantage le cyclotourisme afin que l’Ontario possède un réseau cyclable
provincial bien intégré (un peu comme la route verte au Québec).
Les
moyens proposés pour atteindre ces objectifs sont les suivants (notez que
certains sont redondants) :
a. Augmenter les
exigences quant à la place du vélo lorsque les plans de transport municipaux et
régionaux sont révisés.
b. Aider les
municipalités à implanter des politiques sur les rues complètes.
c. Aider les
municipalités et les agences de transport à mieux intégrer le vélo aux réseaux
de transport en commun.
d. Mieux accommoder
les vélos dans les bâtiments institutionnels, résidentiels et commerciaux.
e. Développer un
partenariat entre les municipalités et le gouvernement provincial pour
subventionner le développement des infrastructures cyclables (un tel mécanisme
existe déjà au Québec).
f.
Faire
en sorte que l’obtention de financement soit conditionnelle à l’adhésion aux
normes d’aménagement des infrastructures cyclables.
g. Subventionner des
projets pilotes d’infrastructures cyclables pour tester de nouvelles idées et
récolter des données.
h. Réduire les
obstacles et accélérer les processus d’approbation pour le développement des
infrastructures cyclables.
i.
Réviser
et recommander les lois reliées au vélo d’après les études les plus récentes.
j.
Continuer
à mieux éduquer tous les utilisateurs de la route quant aux règles de la
circulation et à améliorer les habiletés des cyclistes.
k. Travailler avec les
services de polices pour améliorer la constance
dans l’application des lois existantes pour améliorer la sécurité à
vélo.
l.
Lancer
des campagnes de marketing social à
l’échelle provinciale pour encourager davantage de gens à faire du vélo plus
souvent.
m. Partager les
meilleurs pratiques en matière de promotion du vélo.
n. Encourager
davantage d’éducation à la sécurité à vélo dans les écoles et les communautés.
o. Promouvoir
l’Ontario comme destination de premier plan pour le cyclotourisme.
p. Identifier un
réseau provincial d’infrastructures cyclables et l’employer pour prioriser de
futurs investissements routiers visant à améliorer le réseau.
q. Améliorer les
connexions intermodales (i.e. entre le vélo et le transport en commun) en
travaillant avec nos partenaires pour offrir des aménagements (i.e. lieux
sécuritaires pour ranger les vélos, douches), des cartes du réseau cyclable et
des applications pour s’orienter.
Dans
son message d’introduction, le ministre des transports, Glen Murray, affirme
« Les Ontariens nous ont dit qu’ils
veulent des options de transport pratiques et abordables (…) qui utilisent
moins de carburant, sont plus sécuritaires, entraînent moins de pollution et
requièrent des infrastructures moins couteuses.
Les Ontariens veulent des options de transport qui améliorent la
cohésion des quartiers et qui s’intègrent facilement dans l’environnement bâti
de leur communauté. (…) Pour réaliser notre vision d’un Ontario plus
accueillant envers les cyclistes, nous devons travailler en partenariat avec
les autres ministères, les écoles, les agences de transport, les associations
de cyclistes, les organisations touristiques, les automobilistes, les agences
de santé publique et plusieurs autres. »
Ces
paroles peuvent être accueillies avec certaines réserves car la représentativité
de l’échantillon d’individus qui se sont prononcés à ce sujet n’est pas
clairement démontrée dans le texte (le ministre fait allusion à un échantillon
de 1000 personnes sans donner plus de détails). Il n’en demeure pas moins que
ces paroles illustre une certaine volonté de la part du ministère de favoriser
le vélo, mais également les autres modes de transport alternatifs (ex :
marche, transport en commun).
Quelques
commentaires…
D’après
les données du recensement de 2006, la proportion des déplacements à vélo pour
le travail était de 1,5% en Ontario, soit sensiblement la même que la moyenne
fédérale de 1,3%. Compte tenu de la forte volonté de promouvoir davantage le
vélo au sein de l’Union Européenne notamment, il faudrait au moins décupler cette
proportion pour atteindre le top 10 à l’échelle mondiale. Près d’une dizaine de
pays Européens atteignent déjà une proportion de 10% ou plus, et des taux bien
plus élevés sont observés dans certaines juridictions. À ma connaissance, la
seule ville Canadienne qui s’approche du seuil de 10% est Victoria en
Colombie-Britannique. Il s’agit donc d’un objectif très ambitieux et je doute
que les moyens proposés soient suffisants.
Pucher
et Buehler (2008) ont analysé de façon détaillée les mesures qui ont permis
d’augmenter la part modale du vélo aux Pays-Bas, au Danemark et en Allemagne.
Un de leurs principaux constats est que les villes qui ont connu le plus de
succès ont employé simultanément la carotte et le bâton. Autrement dit, elles
ont favorisé l’utilisation du vélo tout en rendant l’utilisation de la voiture
moins attrayante (soit en diminuant l’offre de stationnements et/ou en
augmentant les coûts d’utilisation de
l’automobile). Or, je n’ai noté aucune proposition visant à rendre
l’utilisation de la voiture moins attrayante dans la stratégie Ontarienne.
Je
suis particulièrement surpris qu’on ne propose pas, par exemple, d’augmenter
légèrement la taxe sur l’essence pour subventionner le développement des
infrastructures pour les transports alternatifs. Je suppose que la stratégie a
été développée dans le but d’éviter les conflits avec le lobby automobile. Il
n’en demeure pas moins que l’un des principaux facteurs qui motive les gens à ne
pas utiliser le transport actif est qu’ils perçoivent la voiture comme le mode
de transport le plus pratique (Faulkner et al., 2010; Gardner & Abraham,
2008). Il faudra tôt ou tard modifier cette perception. Devant l’énorme
contribution du secteur du transport aux émissions de gaz à effet de serre et
aux changements climatiques (Unger et al., 2010) et la prévalence croissante
des maladies associées à un mode de vie insuffisamment actif (i.e. maladies
cardiovasculaires, accidents cérébraux-vasculaires, diabète, etc.; voir Lee et
al., 2012; United Nations, 2011), mieux vaut cesser de tergiverser.
D’après
la théorie du comportement interpersonnel, les habitudes sont un facteur
déterminant du comportement d’un individu (Triandis, 1977). Le mode de
transport est un comportement fortement gouverné par les habitudes (Gardner
& Abraham, 2008; Lemieux & Godin, 2009). Une des façons suggérées pour
modifier une habitude bien ancrée est de modifier les conditions dans laquelle
le comportement est devenu un automatisme (qui ne requiert plus de prise de
décision consciente). D’où la pertinence de rendre l’utilisation de
l’automobile moins pratique tout en améliorant significativement l’offre en
matière de transports alternatifs.
L’objectif
de zéro décès à vélo pour une population de plus de 12 millions d’habitants me
semble davantage un idéal vers lequel on devrait tendre qu’un objectif
réalisable. Cela dit, bien que certains décès puissent survenir, il est à noter
que les bienfaits du vélo en matière de prévention de la mortalité sont
beaucoup plus élevés que les risques. J’en ai discuté de façon plus détaillée
dans ce billet. Une étude Danoise publiée dans la revue Archives of Internal Medicine
a également noté que, sur une période de suivi de près de 15 ans, les
adultes qui allaient travailler à vélo présentaient un taux de mortalité de 40%
inférieur à ceux qui y allaient à voiture (Andersen et al., 2000). C’est donc
dire que, toutes autres choses étant
égales par ailleurs, le vélo permet d’accroître l’espérance de vie.
Finalement,
cette stratégie me fait penser à celle que la France a adoptée en 2012 à bien
des égards. Notamment, les deux stratégies proposent des objectifs à long terme
(sur une période de 8 ans pour la stratégie Française et 20 ans pour celle de
l’Ontario), mais peu d’objectifs à court et moyen terme qui permettraient
d’évaluer si le cheminement est satisfaisant d’année en année et d’apporter les
corrections nécessaires si ce n’est pas le cas. Dans le cas de la stratégie Ontarienne,
il est mentionné que des plans d’action plus concrets seront publiés cet
automne ; en espérant que ce sera véritablement le cas…
Conclusion
En
somme, la stratégie dévoilée par le Ministère des transports de l’Ontario est
un pas dans la bonne direction, en attendant un plan d’action plus spécifique
qui indiquera plus clairement les objectifs à court et moyen terme et qui
précisera davantage à qui revient le rôle de mettre en place les moyens
proposés pour promouvoir le vélo.
Références
Andersen LB, Schnohr P, Schroll M, Hein HO. All-cause
mortality associated with physical activity during leisure time, work, sports,
and cycling to work. Archives of
Internal Medicine.
2000;160:1621-1628.
Gardner B, Abraham C. Psychological correlates of car
use: a meta-analysis. Transportation
Research Part F. 2008;11:300-11.
Faulkner GEJ, Richichi V, Buliung RN, Fusco C, Moola
F. What’s “quickest and easiest?”: parental decision making about school trip mode.
International Journal of Behavioral Nutrition and Physical Activity.
2010;7:62.
Lee IM, Shiroma EJ, Lobelo
F, et al. Effect of physical inactivity on major non-communicable diseases
worldwide: an analysis of burden of disease and life expectancy. Lancet.
2012;380(9838):219-229.
Lemieux M, Godin G. How well
do cognitive and environmental variables predict active commuting? International Journal of Behavioral Nutrition and
Physical Activity. 2009;6(12).
Ontario Ministry of Transportation (2013). #CycleON: Ontario’s Cycling Strategy. http://www.mto.gov.on.ca/french/pubs/cycling/index.shtml
Pucher, J., & Buehler, R. (2008). Making cycling
irresistible: Lessons from the Netherlands, Denmark and Germany. Transport Reviews, 28 (4), 495-528.
Triandis HC.
Interpersonal behavior. Monterey:
Brooks/Cole Publishing Company; 1977.
Unger, N., Bond T.C., Wang, J.S., Koch, D.M., Menon,
S. et al. (2010). Attribution of climate forcing to economic sectors. Proceedings of the National Academy of Science, 107 (8),
3382-3387.
United Nations. (2011) Political Declaration of the United Nations High-level Meeting of the
General Assembly on the Prevention and Control of Non-communicable Diseases.
New York: United Nations. http://www.who.int/nmh/events/un_ncd_summit2011/political_declaration_en.pdf
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