Dans
ce modèle d’urbanisme typique des villes Nord-Américaines, le développement se
fait principalement par la construction d’édifices, de grands stationnements et
d’hideux centres d’achat (ex : le quartier DIX-30 à Montréal) aux
extrémités de la ville. Pendant ce temps, les centre-ville peinent à conserver
leur population, d’où l’analogie avec le beigne (e.g. Tim Hortons).
Ce
modèle de développement a été décrié au cours des dernières années autant par
les écologistes inquiets par la pollution et le réchauffement climatique que
par les professionnels de la santé et certains urbanistes qui ont démontré des
liens entre l’étalement urbain, la sédentarité et le risque de maladies
chroniques. De plus, les coûts pour acheminer les services municipaux
(aqueducs, transport en commun, collecte des ordures, etc.) représentent un
fardeau économique plus important lorsque la densité de population est faible. Malgré
cela, la plupart des villes Nord-Américaines continuent à s’étaler de plus en
plus.
Revenons à Ottawa…
Justement
l’article de l’Ottawa Citizen dont je
parlais indique que, d’après les données du recensement, pas moins de 83% de la
croissance de la population d’Ottawa depuis 2006 a eu lieu dans les banlieues et les zones
rurales tel qu'illustré dans la figure ci-dessous. Ceci indique que l'étalement urbain ne ralentit pas. Des quartiers qui n’existaient même pas en 1961 ont poussé comme des
champignons pour devenir Orléans (108 050 habitants), Kanata (78 550
habitants) et Barrhaven (71 600 habitants)… À l’opposé, seulement 5% de la
croissance s’est produite dans le trou de beigne, euh, dans le centre-ville.
Il
y a une cinquantaine d’années, l’urbaniste Français Jacques Gréber avait été
engagé pour améliorer l’image de la capitale fédérale, alors une ville de
250 000 habitants. Sa « vision » était celle d’une ville dont la
population atteindrait 500 000 environ 50 ans plus tard et qui serait
entourées de rivières, de parcs et d’espaces verts. C’est ainsi que fut créé la
ceinture de verdure qui se veut en quelque sorte le poumon de la ville.
Cependant,
la croissance de la population a été plus rapide et les promoteurs immobiliers
ont mis de la pression pour construire à l’extérieur de ladite ceinture, là où
les terrains sont moins dispendieux et donc là où ils peuvent maximiser leurs
profits. À la fin des années 1960, le gouvernement régional, s’est fait l’allié
des promoteurs en prônant un développement axé sur l’axe
Orléans-Kanata-Barrhaven. Hormis le court embargo sur le pétrole arabe au début
des années 1970, le prix de l’essence peu élevé a aussi facilité l’exode vers
les banlieues.
Le
plan d’origine prévoyait que ces trois communautés ne deviendraient pas simplement
les banlieues dortoirs que l’on connaît aujourd’hui, mais plutôt des
communautés où les gens vivent, travaillent et s’adonnent à leurs loisirs.
Depuis 1971, la population vivant à l’extérieur de la ceinture de verdure a
augmenté de 1700% (non je n’ai pas écrit un zéro de trop) passant de
16 000 à plus de 300 000. Les lieux de travail n’ont pas suivi la
migration de la population. Par conséquent, ce plan représente, à mon avis, un
échec lamentable.
Aveuglement volontaire ?
Quant
à lui, le directeur du service d’urbanisme, John Moser, reconnaît que les coûts
associés à l’étalement urbain sont très élevés, mais il refuse l’idée que
l’étalement est hors de contrôle. Il affirme, et je cite : « Nous ne sommes pas en train de perdre la
bataille de l’étalement urbain ; l’étalement, c’est lorsque vous n’avez pas le
contrôle sur ce que vous développez. À Ottawa, nous croissons de façon
intelligente, nous croissons du centre vers l’extérieur et nous avons connu du
succès à cet égard » (sic).
S’il
est vrai que les communautés qui ont crû le plus sont bien celles d’Orléans,
Kanata et Barrhaven, ces communautés dortoir sont caractérisées par une faible
densité, un zonage peu diversifié et des rues mal connectées. Ces
caractéristiques favorisent l’utilisation de l’automobile, d’autant plus
qu’hors du Transitway, le service de transport en commun n’est pas très
efficace. De plus, 80% des emplois sont situés à l’intérieur de la ceinture de
verdure, d’où les embouteillages quotidiens et les émissions de gaz à effet de
serre qui leur sont associés.
Planifié
ou non, ce modèle de développement n’est pas souhaitable ; dès lors, il est
dommage de voir certains fonctionnaires municipaux s’auto-congratuler. Il
faudrait plutôt s’exercer à trouver des solutions pour densifier les quartiers
centraux, et je ne parle pas simplement de construire des tours à condos qui
coûtent une fortune. Il faudrait également construire des logements sociaux
pour les gens moins fortunés et des maisons en rangée pour les familles. Il est
dommage que les gouvernements ignorent les recommandations en ce sens d’organismes
comme le Front d’action populaire en réaménagement urbain.
D’autre
part, il faudrait favoriser le zonage mixte dans les banlieues afin qu’un plus
grand nombre d’entreprises s’y installent, réduisant ainsi la distance moyenne
que les habitants d’Orléans, Kanata et Barrhaven parcourent à chaque jour
ouvrable. Il serait également possible de faire de la densification dans ces
secteurs, ce qui permettrait de rendre le transport en commun plus rentable et
de réduire l’empreinte écologique des banlieues. Hélas, avant que de tels plans
soient inaugurés, il faudrait que le service d’urbanisme cesse d’ignorer l’éléphant
dans la pièce !
Ailleurs aussi…
D’ailleurs,
ce type de développement est loin d’être exclusif à Ottawa. Par exemple, les
« couronnes » nord et sud entourant l’île de Montréal ont connu une
croissance fulgurante depuis une cinquantaine d’années, là aussi au détriment
des terres agricoles ; l’aéroport de Mirabel en est d’ailleurs un bon exemple.
Durant les 4 ans où j’ai vécu à Trois-Rivières, j’ai été témoin de la
destruction de plusieurs milieux humides pour différents projets immobiliers,
et ce malgré la stagnation de la population. Du côté de Québec, le maire
Labeaume s’est dit favorable à la densification le long des principaux trajets
des autobus municipaux, mais les projets concrets se font attendre alors que
les banlieues s’approchent de Saint-Tite-des-Caps (étant natif de La Malbaie, j’ai
bien vu les bungalows pousser comme des champignons à Beaupré, juste au pied de
la côte de la miche). C’est sans parler des banlieues de Toronto et d’Hamilton
qui se chevauchent à un tel point que l’on peut se demander quand la première
avalera la seconde. Bref, l’urbanisme à la Tim Hortons est malheureusement
largement répandu…
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