vendredi 22 avril 2016

Le transport actif et la santé des adultes canadiens



Ce mercredi, nous avons publié un nouvel article portant sur la relation entre le transport actif, l’activité physique et différents indicateurs de santé auprès d’un échantillon pancanadien de 7160 adultes âgés de 20 à 79 ans dans la revue Rapports sur la santé (Larouche et al., 2016). Cette étude est basée sur des données de l’Enquête canadienne sur les mesures de santé qui ont été collectées par Statistiques Canada entre mars 2007 et novembre 2011.

Les participants ont rapporté le nombre d’heures qu’ils consacrent habituellement à la marche et au vélo « utilitaire[i] » (soit pour aller au travail, à l’école ou faire les commissions) pendant une semaine habituelle. Dans nos analyses, nous avons employé 3 catégories pour la marche (soit moins d’une heure par semaine, 1-5 heures ou plus de 5 heures) et 3 catégories pour le vélo (pas du tout, moins d’une heure par semaine et plus d’une heure). Les catégories sont différentes pour la marche et le vélo étant donné que les canadiens marchent beaucoup plus qu’ils pédalent !

En effet, 94% des participants n’utilisaient pas le vélo pour leurs déplacements. À l’inverse, près de la moitié des participants affirmaient marcher entre 1 et 5 heures par semaine pour leurs déplacements.

Nous avons observé que les femmes, les participants âgés de 20 à 39 ans, ceux qui ont un moindre niveau d’éducation, un moindre revenu annuel et ceux qui affirmaient avoir un emploi plus exigeant physiquement rapportaient davantage de marche utilitaire. En ce qui a trait au vélo, les hommes et les participants âgés de 20 à 39 ans en faisaient davantage.


Le transport actif et l’activité physique…

Les participants ont été invités à porter un accéléromètre pendant 7 jours consécutifs pour mesurer la pratique d’activités physique. Nos résultats indiquent que les participants qui rapportaient davantage de transport actif étaient plus actifs physiquement. Par exemple, comparativement à ceux qui ne faisaient pas de vélo, ceux qui en faisaient au moins une heure par semaine accumulaient environ 16 minutes de plus d’activité physique d’intensité moyenne à élevée par jour. Sachant que l’Organisation mondiale de la santé (2010) recommande aux adultes d’accumuler 150 minutes d’activité physique d’intensité moyenne à élevée par semaine, il s’agit d’une différence considérable.

Cela dit, puisque les accéléromètres sous-estiment l’intensité de l’activité physique associée au vélo, nous supposons que les gens qui rapportaient davantage de vélo étaient aussi plus actifs dans leurs temps libres.

Même si je ne m’attends pas à ce que les lecteurs tombent de leur chaise en lisant que les adultes qui font davantage de transport actif ont un volume d’activité physique plus élevé, c’est important de le savoir. Certaines études ont montré que lorsque les gens augmentent leur activité physique dans un domaine (les 4 domaines sont les loisirs, le transport, le travail et les tâches ménagères), ils compensent parfois en étant moins actifs dans d’autres domaines (Gomersall et al., 2013). Par conséquent, on ne doit pas prendre pour acquis que parce que le transport actif est une composante de l’activité physique, les gens qui font du transport actif sont nécessairement plus actifs. Cela dit, selon nos résultats, les adultes canadiens ne semblent clairement pas réduire leur activité physique après avoir fait du vélo utilitaire.


Le transport actif et la santé

Nous avons ensuite évalué la relation entre le transport actif et des mesures objectives de plusieurs indicateurs de santé physique. Nos analyses ont été ajustées notamment pour le sexe, l’âge, le niveau d’éducation, le revenu et l’activité physique occupationnelle des participants.

Nos résultats suggèrent que les effets du vélo sont beaucoup plus importants que ceux de la marche. L’intensité plus élevée du vélo pourrait expliquer en partie ces résultats. Nous avons néanmoins observé que les adultes qui marchaient le plus avaient une masse grasse inférieure (telle qu’estimée d’après la mesure des plis adipeux du biceps, triceps, de l’omoplate, de la crête iliaque et du mollet).

Ainsi, si nos résultats pour la marche sont plutôt modestes, ce n’est définitivement pas une raison de ne pas continuer à marcher ! La marche peut être plus bénéfique pour la santé chez les gens plus âgés, ceux qui ont une moindre condition physique. De plus, les bienfaits peuvent être augmentés en marchant plus vite (Shephard, 2008). Il est aussi à noter que dans notre étude, les participants qui rapportaient davantage de marche ont accumulé moins d’activité physique d’intensité faible (tel que mesuré avec l’accéléromètre). Ainsi, ils semblent avoir compensé pour la marche en réduisant leur activité physique durant le reste de la journée. D’autre part, nous n’avons pas évalué les effets de la marche sur la santé mentale et sur des variables comme la congestion routière et les émissions de gaz à effet de serre et de particules fines.

Quant au vélo, nous avons observé que comparativement aux participants qui ne faisaient pas de vélo, ceux qui rapportaient au moins une heure par semaine de vélo utilitaire avaient une capacité aérobie plus élevée et ils présentaient des valeurs inférieures pour les variables suivantes :


  • l’indice de masse corporelle
  • la circonférence de taille
  • le ratio entre le cholestérol total et le cholestérol HDL (ce dernier étant le « bon cholestérol », donc c’est préférable que le ratio soit plus bas
  • l’hémoglobine glyquée (un marqueur du contrôle de la glycémie – cette variable est plus élevée chez les diabétiques)
  • la protéine C-réactive (une protéine pro-inflammatoire sécrétée entre autres par les cellules adipeuses et qui augmente le risque de maladies cardiovasculaires)
  • les triglycérides sanguins (des molécules de gras qui, lorsque présentes dans le sang en trop grande quantité, contribuent à la formation de plaques d’athérosclérose qui, en diminuant la « lumière » des artères (soit le diamètre dans lequel le sang peut circuler), augmentent le risque de maladies cardiovasculaires).


Ainsi, dans l’ensemble les gens qui rapportaient plus de vélo avaient un meilleur profil de santé cardiovasculaire. Ces résultats sont cohérents avec d’autres études sur le sujet (Oja et al., 2011) et avec notre étude précédente à partir des données de l’Enquête canadienne sur les mesures de santé chez les jeunes de 12 à 19 ans (Larouche et al., 2014).

Voilà, c’est maintenant l’heure d’enfourcher mon vélo pour retourner à la maison et ensuite aller courir quelques kilomètres avant le souper :)


Références

Gomersall SR, Rowlands AV, English C, et al. (2013). The ActivityStat hypothesis. Sports Medicine. 43(2), 135-49.

Larouche, R., Faulkner, G., Fortier, M., Tremblay, M.S. (2014). Active transportation and adolescents’ health: the Canadian Health Measures Survey. American Journal of Preventive Medicine, 46(5), 507-515.

Larouche R, Faulkner G, Tremblay MS. (2016). Active travel and adults’ health: the 2007-2011 Canadian Health Measures Surveys. Health Reports, 27 (4), 10-18.

Oja P, Titze S, Bauman A et al. (2011). Health benefits of cycling: a systematic review. Scandinavian Journal of Medicine and Science in Sports, 21(4), 496-509.

Organisation mondiale de la santé. (2010). Recommandations mondiales en matière d'activité physique pour la santé. http://www.who.int/dietphysicalactivity/factsheet_recommendations/fr/


[i] Utilitaire, dans le sens où la marche et le vélo sont employés comme un moyen d’aller quelque part et non pas seulement pour le plaisir.

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