L’hiver dernier, j’ai fait partie
d’un groupe d’experts qui a développé un énoncé de position sur le jeu actif à l’extérieur chez les enfants. L’énoncé a été publié en juin 2015, conjointement
avec le Bulletin de l’activité physique chez les jeunes de ParticipACTION et
j’en ai résumé les grandes lignes sur ce blogue. Brièvement, l’énoncé stipule
que :
« L’accès
au jeu actif à l’extérieur et dans la nature, avec les risques que cela
comporte, est essentiel au développement sain de l’enfant. Nous recommandons
d’augmenter les occasions que les enfants ont de jouer de façon autonome
dehors, dans des environnements variés, soit à la maison, à l’école, au service
de garde, dans la communauté et dans des environnements naturels. »
J’ai appris lundi matin que l’énoncé
de position a été utilisé, avec succès, comme un élément de preuve devant la
cour suprême de la Colombie-Britannique.
Dans le procès Thompson c. Corp. of the District of Saanich, une
mère de famille poursuivait la municipalité en responsabilité civile (pour
obtenir un montant d’argent) parce que sa fille a subi une blessure à la tête
en jouant dans le terrain de jeu durant un camp d’été. Cette malheureuse
blessure est survenue lorsqu’elle s’adonnait à une variante de la tag, sur une structure de jeu.
De son côté, la défense prétendait
que la municipalité prenait toutes les précautions nécessaire pour éviter que
les enfants soient exposés indument à un danger. Cela n’implique pas qu’elle
doit empêcher l’occurrence de toute blessure.
Dans sa décision concise, le juge Justice
Baird insiste sur le fait que la jeune fille a participé à ce jeu de son plein
gré et qu’elle y participait régulièrement. Il observe également que l’équipement
du terrain de jeu était tout à fait réglementaire. Le juge écrit d’ailleurs :
« Je soupçonne que la plupart des canadiens
sont familiers, d’une façon générale, avec la mission de ParticipACTION pour
promouvoir un mode de vie plus actif à l'échelle nationale. Leur bulletin
conclue entre autres que la santé physique à long terme et le développement de l'enfant
devraient être valorisés autant que la sécurité et que les règlements visant à
prévenir les blessures et à minimiser le risque de poursuites en responsabilité
civile sont devenus excessifs et contre-productifs pour la santé et la
condition physique des jeunes [traduction libre]. »
En somme, la poursuite reposait sur
la distinction entre les concepts de « danger » et de
« risque », deux concepts qui ne sont pas synonymes (voir Brussoni et al., 2015 et Tremblay et al., 2015 pour une discussion
approfondie). Par exemple, patiner sur un lac semi-gelé serait clairement un
danger (c’est évident, mais il arrive à l’occasion qu’un adulte meurt de cette
façon) ou employer des outils en métal à l’extérieur durant un orage électrique.
Dans le cas qui nous intéresse aujourd’hui, on a davantage affaire à ce qu’on
appelle un jeu actif comportant un élément de risque (voir Brussoni et al., 2015). Comme l’auteur Tim Gill
mentionne sur son blogue, l’accident de
Mme Thompson est regrettable, mais il illustre que dans certains cas, personne
n’est à blâmer pour un accident.
Cette décision est particulièrement
importante dans un contexte où les autorités scolaires et municipales sont
portées à restreindre des activités normales (parfois aussi banales que le
ballon-chasseur, la tag et la
glissade) par peur d’être poursuivies en « responsabilité civile ».
Si la poursuite avait eu gain de
cause, cela aurait eu pour effet de renforcer les craintes de ces autorités qui
auraient pu restreindre encore davantage le droit
des enfants de jouer. J’ai bien dit le droit
– et ce droit est protégé par la Convention relative aux droits de l’enfant des
Nations-Unies (article 31), dont le Canada est l’un des pays signataires. Nous
savons que le jeu actif est essentiel au développement cognitif, moteur et
psychosocial de l’enfant (Tremblay et al., 2015).
J’espère donc que cette décision
fera jurisprudence !
Références
Brussoni M, Gibbons R, Gray C et al.
(2015). What is the
Relationship between Risky Outdoor Play and Health in Children? A Systematic
Review. International Journal of
Environmental Research and Public Health, 12, 6423-6454.
Nations Unies. Convention
internationale des droits de l'enfant.
New York, NY : Nations Unies; 1989.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire