Comme
à chaque année, la période des fêtes est synonyme d’échanges de cadeau. De
toute évidence, certains cadeaux sont plus utiles que d’autres. Aujourd’hui, je
discuterai d’un cadeau que l’on aurait tout intérêt à s’offrir collectivement.
Sans surprise, le vélo fait partie de l’équation !
Dans
un article paru dans la revue Environmental
Health Perspectives, Macmillan et ses collègues (2014) ont estimé les
bénéfices et les coûts économiques de différentes politiques visant à
promouvoir le vélo utilitaire dans la ville d’Auckland en Nouvelle-Zélande. Comme
c’est le cas dans la plupart des villes Nord-Américaines, l’automobile est, de
très loin, le mode de transport le plus utilisé. En effet, plus de 75% des
déplacements sont faits en auto comparativement à 14% pour la marche et… moins
de 1% pour le vélo.
Cependant,
la ville d’Auckland a adopté en 2010 les objectifs suivants pour l’année
2040 :
-
Réduire
le nombre de décès sur les routes à moins de 40 par année (vs. environ 74/année
entre 2005 et 2007) et diminuer de moitié le nombre de blessures sérieuses.
-
Éviter
une augmentation de la congestion routière.
-
Augmenter
la part modale combinée de la marche et du vélo à 35%
-
Faire
en sorte que 80% de la population considèrent le vélo comme étant sécuritaire
tous le temps ou la plupart du temps (comparativement à 19% en 2010).
-
Diminuer
de moitié les émissions de gaz à effet de serre par habitant pour le transport
des personnes.
Dans
leur étude, Macmillan et ses collègues (2014) ont retenu les 5 scénarios
suivants :
1) Le pareil au même (business as usual), soit aucune hausse
des investissements pour le vélo.
2) L’établissement
d’un réseau cyclable régional tel que prévu dans le plan stratégique
d’Auckland. Ce réseau serait composé principalement de bandes cyclables
peinturées sur la moitié des routes principales et de voies partagées entre les
vélos et les autobus. Il y aurait un modeste ajout de 15 km de pistes cyclables
hors route. Personnellement, je trouve que ce plan est peu convaincant.
3) L’ajout graduel de
bandes cyclables séparées de la circulation sur chaque côté de toutes les
artères majeures (incluant des aménagements spéciaux, selon les meilleures
pratiques, pour assurer la sécurité des cyclistes aux intersections). Il ne
s’agit pas de réinventer la roue, ce serait essentiellement le même genre
d’aménagements que l’on retrouve aux Pays-Bas, tel qu’exigé par le code de la
route.
4) L’implantation à
grande échelle de mesures d’apaisement de la circulation (ex : rétrécissement
de la chaussée, dos d’âne, etc.) L’objectif serait de réduire la vitesse des
véhicules de façon à diminuer le risque de blessures et de décès chez les
piétons et cyclistes. La sécurité étant une des principales préoccupations des
cyclistes, ce scénario devrait encourager le vélo, d’autant plus qu’il rendrait
l’utilisation de la voiture moins pratique.
5) La combinaison des
scénarios 3 et 4. Oui, vous avez bien lu !
Ensuite,
ils ont évalué en termes monétaires les effets de chacun des scénarios sur un
grand nombre de variables, incluant le nombre de décès et de blessures graves,
les effets sur la santé de la pollution, la diminution de la mortalité
prématurée associée à l’activité physique, le coût du carburant, les émissions
de gaz à effet de serre et le coût des infrastructures. Je vous épargnerai les
détails méthodologiques concernant l’assignation d’une valeur monétaire pour
toutes ces variables. Ces détails sont présentés dans l’article.
Les
résultats indiquent que, pour chacun des scénarios, les bénéfices seraient
largement supérieurs aux coûts. Le ratio bénéfices : coûts varierait de 6
pour 1 à 24 pour 1. Même si le scénario 5 serait le plus coûteux (soit 630
millions de dollars Néo-Zélandais), c’est lui qui aurait les bénéfices les plus
importants, soit plus de 13 milliards de dollars. Les chercheurs estiment
que ce scénario augmenterait la part modale du vélo à 40% d’ici 2051 (comme à
Copenhague aujourd’hui). C’est aussi ce scénario qui réduirait le plus la
mortalité, les frais pour le carburant et les émissions de gaz à effet de
serre.
Implications
pratiques…
Ces
résultats sont cohérents avec une étude sur les coûts et les bénéfices des
infrastructures cyclables dans la ville de Portland en Oregon dont j’avais
discuté précédemment sur ce blogue. Sans même tenir compte des bienfaits environnementaux, Gotschi (2011) avait estimé que chaque dollar investi entraînerait
des retombées de 1,30 à 3,80$.
Dans
le même ordre d’idées, Cavill et ses collègues (2009) ont quantifié les
retombées économiques de plusieurs politiques pro-vélo, principalement en
Europe. Même si les résultats variaient d’une étude à l’autre, les retombées médianes étaient de l’ordre de 5 euros pour
chaque euro investi.
Il est
donc encourageant de constater que les investissements pour promouvoir le vélo
sont rentables, et ce, pas seulement à Copenhague ou Amsterdam.
Ce
que ces résultats impliquent sur le plancher des vaches, c’est que la promotion
du vélo est une excellente façon de faire d’une pierre trois coups, soit
d’améliorer la santé des populations[i],
réduire les émissions de gaz à effet de serre et améliorer les finances
publiques. Stephen Harper et ses députés n’ont plus d’excuse pour affirmer de
façon démagogique que la réduction des émissions de gaz à effet de serre va
« tuer l’emploi[ii] »
(sic) !
Hibernation
terminée…
Les
lecteurs réguliers ont certainement constaté que le blogue a été en mode «
hibernation » ces derniers temps, mon dernier billet datant d’il y a 3 mois. La
raison étant que j’ai enseigné mon premier cours à l’université cet automne, donc
j’ai été très très occupé. Mais ne vous inquiétez pas, de nouveaux billets
paraîtront plus régulièrement en 2015. Sur ce, je vous souhaite une bonne année
et, bien entendu, du beau temps pour le vélo J
Références
Cavill,
N., Kahlmeier, S., Rutter, H., Racioppi, F., Oja, P. (2009). Economic
analyses of transport infrastructure and policies including health effects
related to cycling and walking: a systematic review. Transport Policy, 15 (5), 291-304.
Gotschi, T. (2011). Costs and benefits of bicycling
investments in Portland, Oregon. Journal
of Physical Activity and Health, 8 (Suppl. 1), S49-S58.
[i] Même les gens qui ne font pas de
vélo bénéficieraient d’une diminution des émissions de particules fines par les
véhicules qui sont une cause de maladies cardiovasculaires et du cancer des
poumons.
[ii] Remarquez «l’emploi» du singulier,
comme M. Harper lui-même ! (je n’ai pas omis d’utiliser le pluriel).
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