mercredi 28 janvier 2015

Nouveaux résultats sur l'efficacité des plans de déplacement scolaires



S’il est clairement établit que le secteur du transport est responsable d’environ le quart des émissions mondiales de gaz à effet de serre, on en sait moins quant à l’efficacité des interventions visant à réduire l’utilisation des modes de transport motorisés.

Par exemple, une recension des écrits publiée en 2011 a identifié seulement 14 interventions visant à promouvoir le transport actif scolaire qui ont été évaluées avec des méthodes scientifiques (Chillón et al., 2011). De plus, les résultats variaient considérablement d’une étude à l’autre. Aujourd’hui, il sera question d’une nouvelle étude publiée par mes collègues de l’Université de Toronto dans la revue Journal of Transport and Health (Mammen et al., 2014).

Dans cette étude, des plans de déplacements ont été élaborés par l’organisme à but non-lucratif Green Communities Canada dans 103 écoles dans toutes les provinces Canadiennes sauf le Québec[i]. Les plans de déplacements ont été conçus en suivant les étapes suivantes :

1.      Les écoles participantes ont été sélectionnées et un comité d’acteurs concernés par le transport scolaire (incluant des parents, des élèves, des enseignants, des employés en santé publique, des policiers, etc.) a été formé dans chaque école.
2.      Chaque comité a réalisé des audits pour identifier des obstacles potentiels au transport actif. Ils ont aussi collecté des données sur le mode de transport des jeunes. 
3.      Compte tenu des obstacles identifiés et des caractéristiques particulières de l’école (ex : l’emplacement géographique, la taille de l’école, les politiques de transport et le niveau socio-économique), chaque comité a identifié des stratégies pour surmonter les obstacles. Les stratégies retenues incluaient notamment :

a.      la construction ou le réaménagement d’infrastructure.
b.      la sensibilisation des jeunes et/ou des automobilistes à la sécurité routière.
c.       des évènements spéciaux pour promouvoir la marche.
d.     la formation de pédibus.
e.      la distribution d’une infolettre sur le transport actif.
f.        l’identification des chemins les plus sécuritaires pour se rendre à l’école.
4.      Les stratégies étaient mises en œuvre et leur effet sur le mode de transport des jeunes a été évalué un an après.


Au total, 7827 parents ont répondu à un questionnaire visant à déterminer l’effet de la mise en œuvre du plan de déplacements sur les habitudes de transport scolaire de leur enfant. Au total, 17% d’entre eux ont affirmé qu’ils conduisaient moins souvent leurs enfants à l’école suite à l’intervention. Dans 83% des cas, les jeunes avaient adopté le transport actif. Les 17% restants ont adopté d’autres modes de transport motorisés (ex : le transport en commun ou le covoiturage)

Sans surprise, les chercheurs ont observé que les jeunes demeurant à moins de 3 kilomètres de leur école étaient plus susceptibles d’adopter le transport actif suite à la mise en œuvre du plan de déplacements. La distance entre l’école et la maison est reconnue comme étant la principale barrière au transport actif et, pour la surmonter, une approche multidimensionnelle sera nécessaire (Larouche et al., 2013), comme j’en ai déjà discuté sur ce blogue.

Les changements d’habitudes de transport étaient également plus communs chez les participants plus âgés (probablement parce que leurs parents sont plus enclins à leur permettre d’aller à l’école à pieds ou à vélo) et chez ceux qui habitaient en milieu urbain ou en banlieue comparativement à ceux qui habitaient en milieu rural (c’est probablement l’effet d’une plus grande distance moyenne entre l’école et la maison chez les jeunes habitant en milieu rural).

Il s’agit, à ce jour, d’une des plus grandes études sur l’efficacité des interventions visant à promouvoir le transport actif. Une autre force de l’étude est qu’elle a été effectuée « sur le plancher des vaches », soit dans les conditions dans laquelle l’intervention est mise en œuvre habituellement.

Par contre, deux limites importantes méritent d’être soulignées. D’abord, il n’y avait pas de groupe témoin (c’est-à-dire un groupe d’écoles comparables où le programme n’a pas été mis en œuvre), donc il est possible que d’autres facteurs soient en partie responsables des changements rapportés dans les habitudes de transport. De plus, les parents ont été questionnés de façon rétrospective, c’est-à-dire seulement après l’intervention. Pour pallier à ces lacunes, des études expérimentales avec groupe témoin seront nécessaires.

Cela dit, puisqu’il s’agit d’une intervention très rentable dont les retombées économiques seraient plus de 2 fois supérieures aux coûts d’après une évaluation de Metrolinx (une société d’état Ontarienne dans le domaine du transport), on ne devrait pas attendre avant de mettre en œuvre cette intervention dans un plus grand nombre d’écoles.  D’autant plus qu’un des principaux objectifs de l’intervention est de rendre les déplacements scolaires plus sécuritaires et donc de réduire le nombre d’accidents de la route. A fortiori, les bienfaits des améliorations des infrastructures piétonnières et cyclables ne se limitent pas aux trajets scolaires. Les adultes peuvent également en bénéficier.


Références

Chillón P et al. A systematic review of interventions for promoting active transportation to school. International Journal of Behavioral Nutrition and Physical Activity. 2011;8(10).

Larouche R, Barnes J, Tremblay MS. Too far to walk or bike? Canadian Journal of Public Health – Revue Canadienne de Santé Publique. 2013;104(7):e487-e489.

Mammen G, Stone MR, Buliung R, Faulkner G. School travel planning in Canada: identifying child, family and school-level characteristics associated with travel mode shift from driving to active school travel. Journal of Transport & Health. 2004;1(4):288-294.


[i] Au Québec, un programme similaire (Mon école à pieds, à vélo) existe et il est géré par Vélo Québec et ses partenaires locaux : http://www.velo.qc.ca/transport-actif/A-pied-a-velo-ville-active/Actions-concretes/Activites-Mon-ecole-a-pied-a-velo

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