S’il
est clairement établit que le secteur du transport est responsable d’environ le
quart des émissions mondiales de gaz à effet de serre, on en sait moins quant à
l’efficacité des interventions visant à réduire l’utilisation des modes de
transport motorisés.
Par
exemple, une recension des écrits publiée en 2011 a identifié seulement 14
interventions visant à promouvoir le transport actif scolaire qui ont été
évaluées avec des méthodes scientifiques (Chillón et al., 2011). De plus, les
résultats variaient considérablement d’une étude à l’autre. Aujourd’hui, il
sera question d’une nouvelle étude publiée par mes collègues de l’Université de
Toronto dans la revue Journal of
Transport and Health (Mammen et al., 2014).
Dans
cette étude, des plans de déplacements ont été élaborés par l’organisme à but
non-lucratif Green Communities Canada
dans 103 écoles dans toutes les provinces Canadiennes sauf le Québec[i].
Les plans de déplacements ont été conçus en suivant les étapes suivantes :
2. Chaque comité a réalisé des audits pour identifier des obstacles potentiels au transport actif. Ils ont aussi collecté des données sur le mode de transport des jeunes.
3. Compte tenu des obstacles identifiés et des caractéristiques particulières de l’école (ex : l’emplacement géographique, la taille de l’école, les politiques de transport et le niveau socio-économique), chaque comité a identifié des stratégies pour surmonter les obstacles. Les stratégies retenues incluaient notamment :
a.
la construction ou le réaménagement
d’infrastructure.
b.
la sensibilisation des jeunes et/ou des
automobilistes à la sécurité routière.
c.
des évènements spéciaux pour promouvoir la
marche.
d.
la formation de pédibus.
e.
la distribution d’une infolettre sur le
transport actif.
f.
l’identification des chemins les plus
sécuritaires pour se rendre à l’école.
4.
Les stratégies étaient mises en œuvre et leur
effet sur le mode de transport des jeunes a été évalué un an après.
Au
total, 7827 parents ont répondu à un questionnaire visant à déterminer l’effet
de la mise en œuvre du plan de déplacements sur les habitudes de transport
scolaire de leur enfant. Au total, 17% d’entre eux ont affirmé qu’ils
conduisaient moins souvent leurs enfants à l’école suite à l’intervention. Dans
83% des cas, les jeunes avaient adopté le transport actif. Les 17% restants ont
adopté d’autres modes de transport motorisés (ex : le transport en commun
ou le covoiturage)
Sans
surprise, les chercheurs ont observé que les jeunes demeurant à moins de 3
kilomètres de leur école étaient plus susceptibles d’adopter le transport actif
suite à la mise en œuvre du plan de déplacements. La distance entre l’école et
la maison est reconnue comme étant la principale barrière au transport actif
et, pour la surmonter, une approche multidimensionnelle sera nécessaire
(Larouche et al., 2013), comme j’en ai déjà discuté sur ce blogue.
Les
changements d’habitudes de transport étaient également plus communs chez les participants
plus âgés (probablement parce que leurs parents sont plus enclins à leur
permettre d’aller à l’école à pieds ou à vélo) et chez ceux qui habitaient en
milieu urbain ou en banlieue comparativement à ceux qui habitaient en milieu
rural (c’est probablement l’effet d’une plus grande distance moyenne entre
l’école et la maison chez les jeunes habitant en milieu rural).
Il
s’agit, à ce jour, d’une des plus grandes études sur l’efficacité des
interventions visant à promouvoir le transport actif. Une autre force de
l’étude est qu’elle a été effectuée « sur le plancher des vaches », soit dans
les conditions dans laquelle l’intervention est mise en œuvre habituellement.
Par
contre, deux limites importantes méritent d’être soulignées. D’abord, il n’y
avait pas de groupe témoin (c’est-à-dire un groupe d’écoles comparables où le
programme n’a pas été mis en œuvre), donc il est possible que d’autres facteurs
soient en partie responsables des changements rapportés dans les habitudes de
transport. De plus, les parents ont été questionnés de façon rétrospective,
c’est-à-dire seulement après l’intervention. Pour pallier à ces lacunes, des
études expérimentales avec groupe témoin seront nécessaires.
Cela
dit, puisqu’il s’agit d’une intervention très rentable dont les retombées économiques seraient plus de 2 fois supérieures aux coûts d’après une
évaluation de Metrolinx (une société d’état Ontarienne dans le domaine du
transport), on ne devrait pas attendre avant de mettre en œuvre cette
intervention dans un plus grand nombre d’écoles. D’autant plus qu’un des principaux objectifs
de l’intervention est de rendre les déplacements scolaires plus sécuritaires et
donc de réduire le nombre d’accidents de la route. A fortiori, les bienfaits des améliorations des infrastructures
piétonnières et cyclables ne se limitent pas aux trajets scolaires. Les adultes
peuvent également en bénéficier.
Références
Chillón P et al.
A systematic review of interventions for promoting active transportation to
school. International Journal of
Behavioral Nutrition and Physical Activity. 2011;8(10).
Larouche R, Barnes J, Tremblay MS. Too far to walk or
bike? Canadian Journal of
Public Health – Revue Canadienne de Santé Publique.
2013;104(7):e487-e489.
Mammen G, Stone MR, Buliung R, Faulkner G. School
travel planning in Canada: identifying child, family and school-level
characteristics associated with travel mode shift from driving to active school
travel. Journal of Transport & Health.
2004;1(4):288-294.
[i] Au Québec, un programme similaire (Mon école à pieds, à vélo) existe et il est géré par Vélo Québec et
ses partenaires locaux : http://www.velo.qc.ca/transport-actif/A-pied-a-velo-ville-active/Actions-concretes/Activites-Mon-ecole-a-pied-a-velo
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