vendredi 9 mai 2014

Le transport actif et la santé des adolescents



Au cours des dernières semaines, j’ai beaucoup discuté de la sécurité à vélo sur ce blogue. Il n’en demeure pas moins que le vélo est très bénéfique pour la santé, l’environnement et l’économie. Nous avons justement publié un article sur les bienfaits du vélo pour la santé des adolescents ce mois-ci dans la revue American Journal of Preventive Medicine (Larouche et al., 2014).

Pour cet article, nous avons utilisé des données de l’Enquête Canadienne sur les mesures de santé. Dans cette étude réalisée entre 2007 et 2009, un échantillon représentatif de l’ensemble de la population Canadienne a été recruté. 1016 jeunes de 12 à 19 ans ont effectué les tâches suivantes :

  1. Remplir un questionnaire détaillé qui comportait entre autres 2 questions sur le mode de transport (une pour le vélo et une pour la marche). Précisément, ils devaient indiquer pendant combien de temps ils avaient utilisé le vélo (ou la marche) pour se rendre à l’école, au travail ou pour faire les commissions dans une semaine typique au cours des 3 derniers mois.
  2. Réaliser une série de tests visant à mesurer entre autres la taille, le poids, le tour de taille, la condition physique, la pression artérielle, le taux de cholestérol et la glycémie.
  3. Porter un accéléromètre pendant une semaine pour mesurer leur pratique d’activités physique.

Deux aspects de notre étude méritent d’être soulignés. D’abord, il s’agit d’une des premières études sur le transport actif à ne pas considérer uniquement le transport actif pour les trajets entre la maison et l’école. [i] Deuxièmement, la taille de l’échantillon et les catégories employées nous ont permis d’évaluer séparément les effets de la marche et du vélo, ce qui est très rare dans les études Nord-Américaines où très peu de jeunes vont à l’école à vélo.

Nos résultats indiquent que, comparativement aux jeunes qui ne faisaient pas de vélo, ceux qui affirmaient en faire au moins 1 heure par semaine étaient plus actifs et ils avaient une capacité cardiovasculaire supérieure. De plus, leur tour de taille, leur indice de masse corporelle et leur taux de cholestérol était inférieur.

Nos résultats sont cohérents avec ceux d’une étude Danoise (Andersen et al., 2011) dont j’ai décrit les principaux résultats sur ce blogue. L’étude d’Andersen et ses collègues portait sur un plus petit échantillon, mais sa méthodologie était longitudinale. Les participants ont été suivis pendant une période de 6 ans. À l’âge de 15 ans, les jeunes qui allaient à l’école à vélo étaient en meilleure santé que ceux qui s’y rendaient en voiture ou en autobus. De plus, ceux qui avaient commencé à faire du vélo durant la période de suivi ont amélioré considérablement leur santé cardiovasculaire.


Et la marche?

Nous avons également évalué les effets de la marche sur la santé. Contrairement au vélo, nous avons obtenu des résultats inconstants. En effet, il y avait peu de différences entre les 3 niveaux de marche à l’étude soit 1) moins d’une heure par semaine; 2) 1 à 5 heures par semaine; et 3) plus de 5 heures par semaine. Ceux qui affirmaient marcher plus de 5 heures par semaine accumulaient davantage d’activité physique d’intensité moyenne à élevée, mais leurs indicateurs de santé ne différaient généralement pas de ceux qui marchaient le moins.

Il est possible que, chez les jeunes, la marche ne soit pas suffisamment intense pour entraîner une augmentation de la capacité cardiovasculaire et une diminution des facteurs de risque cardiaques. C’est une hypothèse proposée par mon collègue Roy Shephard (2008).

Une autre explication potentielle est que, du moins en Amérique du Nord, les enfants des familles plus démunies sont plus susceptibles d’utiliser la marche comme mode de transport. Par ailleurs, le fait de vivre dans une famille plus démunie est souvent associé à un plus haut risque d’embonpoint et d’obésité chez les jeunes.

Cependant, nous savons également que lorsqu’un individu utilise un mode de transport donné de façon régulière pour se rendre à une destination, ça devient une routine que l’on exécute de façon automatique. Par exemple, mon collègue Guy Faulkner a interviewé des parents Torontois au sujet du mode de transport de leurs enfants. Plusieurs parents ont souligné qu’ils ne se demandent pas à chaque matin comment leurs enfants iront à l’école. Ils ont plutôt décrit ce comportement comme une routine ou un automatisme (Faulkner et al., 2010).  

Dans cette perspective, développer l’habitude d’utiliser la marche durant l’enfance et l’adolescence pourrait faire en sorte qu’une personne sera plus inclinée à marcher à l’âge adulte. Chez les adultes, la marche et le vélo sont tous les deux associés à une diminution du risque de subir une maladie cardiaque ou un accident vasculaire cérébral (Hamer et Chida, 2008).


Références
Andersen LB, Wedderkopp N, Kristensen P, Moller NC, Froberg K, Cooper AR. Cycling to school and cardiovascular risk factors: a longitudinal study. J Phys Act Health 2011;8(8):1025–33.

Faulkner GEJ, Richichi V, Buliung RN, Fusco C, Moola F. What’s “quickest and easiest?”: parental decision making about school trip mode. Int J Behav Nutr Phys Act. 2010;7(62).

Hamer M, Chida Y. Active commuting and cardiovascular risk: a meta-analytic review. Prev Med 2008;46(1):9–13.

Larouche, R., Barnes, J., Tremblay, M.S. (2013). Too far to walk or bike? Canadian Journal of Public Health, 104(7), e487-e489.

Larouche, R., Faulkner, G., Fortier, M., Tremblay, M.S. (2014). Active transportation and adolescents’ health: the Canadian Health Measures Survey. American Journal of Preventive Medicine, 46(5), 507-515.

Shephard RJ. Is active commuting the answer to population health? Sports Med. 2008;38(9):751–8.


[i] Nous avons d’ailleurs publié un éditorial dans la Revue Canadienne de Santé Publique afin d’encourager la communauté scientifique à ne pas restreindre l’étude du transport actif uniquement au trajet entre la maison et l’école (Larouche et al., 2013).

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire