jeudi 7 novembre 2013

Quel est le meilleur type d'infrastructure pour encourager le vélo et améliorer la sécurité?

Ce lundi, j’ai assisté à une conférence du professeur Kay Teschke de l’University of British Columbia portant sur les préférences des gens en matière d’infrastructures cyclables et le risque d’accidents associé à différent types d’infrastructures.

En compagnie d’autres chercheurs, elle a entamé le programme de recherche Cycling in Cities en 2004. Dans un premier temps, ils ont effectué une enquête d’opinion portant sur les perceptions individuelles par rapport à 16 différents types d’infrastructures. Le questionnaire comportait 3 photos de chaque type d’infrastructure afin de s’assurer que les participants saisissent bien de quoi il était question.

Les pistes cyclables hors route – qu’elles soient pavées ou non – étaient le type d’infrastructure préféré autant chez les hommes que chez les femmes. Venaient ensuite les bandes cyclables séparées physiquement du trafic le long de rues importantes (ou cycle tracks[i]) et les rues résidentielles avec un faible volume de circulation. Les infrastructures les moins appréciées étaient, sans grande surprise, les artères majeures dépourvues d’aménagements pour les cyclistes. Il est à noter que les femmes appréciaient les pistes cyclables et les bandes cyclables séparées du trafic autant que les hommes. Par contre, elles percevaient les routes rurales et les artères majeures de façon plus négative que les hommes.

Les principaux facteurs qui encourageaient le vélo incluaient entre autres :

  1. La possibilité d’éviter la circulation dense et la pollution.
  2. Le fait d’avoir une courte distance à parcourir
  3. Un itinéraire peu vallonné
  4. Le fait de pouvoir effectuer son itinéraire à la clarté
  5. La possibilité de combiner le vélo et le transport en commun
  6. La présence de stationnements sécuritaires pour le vélo
  7. La qualité de l’intégration et la signalisation du réseau cyclable

À l’opposé, les facteurs qui décourageaient le vélo incluaient notamment :

  1. La présence de neige ou de glace, de vitre et autres débris
  2. La circulation dense et le risque d’accident
  3. La vitesse de la circulation
  4. La présence d’automobilistes qui ne savent pas adapter leur conduite à la présence de cyclistes.
  5. La pluie (surtout s’il pleut le matin)
  6. Un itinéraire mal éclairé
  7. Un itinéraire vallonné

Dans un deuxième temps, l’équipe du professeur Teschke et d’autres chercheurs de l’Université de Toronto ont effectué une étude portant sur le risque de blessures chez les cyclistes (Teschke et al., 2012). Ils ont recruté 690 cyclistes qui ont subi des blessures assez sérieuses pour être traités en salle d’urgence dans l’un des hôpitaux participants. Les participants devaient toutefois se souvenir de l’itinéraire qu’ils avaient emprunté. Les chercheurs ont comparé le site de l’accident avec deux autres sites choisis au hasard le long de l’itinéraire emprunté. Cette méthodologie permet de faire en sorte que les résultats ne soient pas biaisés par les caractéristiques des cyclistes (ex : l’âge et le sexe) et la météo le jour de l’accident.

De cette façon, ils ont pu comparer le risque d’accident associé à 15 différents types d’infrastructures. Les résultats indiquent que les artères majeures sans aménagements pour les cyclistes sont le type d’infrastructure le plus dangereux, mais aussi le plus commun. Les chercheurs ont donc comparé le risque des autres types d’infrastructure à celui des artères majeures sans aménagements pour les cyclistes.

Le type d’infrastructure le plus sécuritaire était les bandes cyclables séparées physiquement du trafic – même si ces dernières sont typiquement situées le long de rues importantes. Le risque relatif d’accident y était 9 fois plus faible que celui des artères majeures sans aménagements pour les cyclistes. Malheureusement, il s’agit du type d’infrastructure le plus rare : seulement 6 kilomètres à Vancouver et un gros 0 au fief de Rob Ford.

Le risque d’accident était réduit d’environ la moitié sur les pistes cyclables hors route. On aurait pu s’attendre à une réduction plus importante, mais il y a plusieurs facteurs qui peuvent expliquer ces résultats. D’abord, les cyclistes doivent partager les pistes cyclables avec différents utilisateurs circulant à des vitesses très différentes. La réduction du risque était plus importante sur les pistes cyclables réservées uniquement aux cyclistes. De plus, il y a souvent des ponts en bois qui deviennent très glissants lorsqu’il pleut. À Vancouver, les pistes cyclables sont souvent vallonnées et il n’est pas rare d’y trouver un dos d’âne en bas de la pente (!) qui engendre des pertes de contrôle. Les pistes cyclables sont souvent conçues pour les loisirs et elles longent fréquemment des cours d’eau sinueux, ce qui fait en sorte que la visibilité est souvent limitée. Et il y a parfois des « dangers publics » qui roulent en peloton à double file dans ces conditions… Il serait donc possible d’améliorer considérablement la sécurité des pistes cyclables avec un meilleur aménagement et davantage de civisme.

En intégrant les résultats des deux études, il ressort deux conclusions importantes : 1) les artères majeures sont à la fois le type d’infrastructure le plus commun, le plus dangereux et le plus détesté par les cyclistes; 2) les bandes cyclables séparées physiquement du trafic sont le type d’infrastructure le moins commun, le plus sécuritaire et parmi les favoris des cyclistes.

En espérant que nos décideurs et urbanistes sauront s’inspirer de ces résultats !


Références

Teschke K, Harris MA, Reynolds CC et al. Route infrastructure and the risk of injuries to bicyclists: a case-crossover study. American Journal of Public Health. 2012;102(12):2336-2343.

Winters M, Teschke K. Route preferences among adults in the near market for bicycling: findings of the cycling in city study. American Journal of Health Promotion. 2010;25(1);40-47.



[i] Les bandes cyclables de l’avenue Berri à Montréal et de l’avenue Laurier à Ottawa en sont des exemples concrets. En Europe du Nord, ces infrastructures sont légion.

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