J’ai
discuté à quelques reprises du concept de mobilité indépendante sur ce blogue.
Ce concept correspond à la capacité d’une enfant de se
déplacer dans son quartier sans être supervisé par un (ou des) adulte(s)
(Hillman et al., 1990). De nombreuses études indiquent que la mobilité
indépendante des jeunes a diminué considérablement au cours des dernières
années (Gaster, 1991; Hillman et al., 1990; Shaw et al., 2013). Tout comme le
pourcentage de jeunes qui utilisent des modes de transport actif comme la
marche et le vélo...
Justement,
plusieurs études illustrent que la mobilité indépendante est associée à la
pratique d’activités physiques totale et, plus spécifiquement au transport
actif et aux activités extérieures (Mackett et al., 2007; Page et al., 2009;
Wen et al., 2009). Or, jusqu’à tout récemment, aucune étude scientifique
n’avait évalué la mobilité indépendante chez les jeunes Canadiens, la plupart
des études sur le sujet ayant été réalisées en Europe et en Australie.
En
fait, il y a quelques semaines, ma collègue Michelle Stone de l’Université
Dalhousie et des collègues de l’Université de Toronto ont publié un article à
ce sujet dans la revue International
Journal of Behavioral Nutrition and Physical Activity (Stone et al., 2014).
Méthodologie
Dans
cette étude, 1001 jeunes de 10 à 12 ans ont été recrutés dans des écoles de la
ville de Toronto. Les écoles ont été sélectionnées selon le niveau
socioéconomique (e.g., revenu médian faible ou élevé d’après les données du
recensement de 2006) et le type d’environnement bâti (urbain ou péri-urbain).
Les parents des participants ont répondu à un questionnaire dans lequel ils
devaient entre autres indiquer le niveau de mobilité indépendante de leur
enfant. Quant à eux, les jeunes ont porté un accéléromètre[i]
pour mesurer leur pratique d’activités physiques pendant une semaine. Plus de
détails concernant la méthodologie sont disponibles sur le site web www.beat.utoronto.ca
Les
chercheurs ont évalué la relation de la mobilité indépendante avec :
1.
L’activité physique totale telle que
déterminée par l’accéléromètre
2.
Le temps consacré à des activités
sédentaires
3.
L’activité physique d’intensité faible
4.
L’activité physique d’intensité moyenne à
élevée (soit le type d’activité physique qui fait présentement l’objet des
lignes directrices Canadiennes sur l’activité physique.
Ils
ont également vérifié si l’effet de la mobilité indépendante variait entre les
jours de semaine et les fins de semaine. Finalement ils ont examiné dans quelle
mesure la mobilité indépendante est associée à l’activité physique et au
comportement sédentaire dans les 2 heures suivant la fin des classes ; une
période qui présente (théoriquement) un potentiel important pour augmenter la
pratique d’activité physique quotidienne.
Résultats
Près
de 40% des parents indiquaient ne pas accorder à leur enfant la permission
d’aller dehors (soit seul ou avec des amis) sans la supervision d’un adulte.
Petit rappel : les participants étaient âgés de 10 à 12 ans ! Quand
j’avais cet âge-là, il y a grosso modo une génération, mes parents
m’encourageaient à aller jouer dehors beau temps mauvais temps, peu importe que
je sois seul ou avec des amis, disant que je n’étais « pas fait en
chocolat »…
Cela
dit, un peu plus de 60% des participants avaient un certain niveau de mobilité
indépendante (soit parfois, souvent ou toujours) et ce pourcentage était plus
élevé chez les garçons (69,4%) que chez les filles (54,4%). Ce résultat
corrobore ceux d’études précédentes (Hillman et al., 1990; Valentine, 1997;
Villanueva et al., 2012), suggérant qu’à un âge donné, les garçons ont
davantage de mobilité indépendante que les filles.
En
ce qui a trait à l’activité physique, les jeunes qui avaient un certain niveau
de mobilité indépendante étaient plus actifs physiquement dans l’ensemble de la
journée, autant les jours de semaine que les fins de semaine. Ils accumulaient
notamment davantage d’activité physique d’intensité moyenne à élevée. Ces
différences ont été observées autant chez les filles que les garçons.
Uniquement
chez les filles, la mobilité indépendante était associée à un moindre temps
consacré à des activités sédentaires durant les jours de semaine. Quant à eux,
les garçons qui avaient un certain niveau de mobilité indépendante accumulaient
davantage d’activité physique d’intensité faible lors des fins de semaine.
Quant
à la période après l’école, les jeunes qui avaient un certain niveau de
mobilité indépendante consacraient moins de temps à des activités sédentaires
et accumulaient davantage d’activité
physique d’intensité faible, moyenne et élevée. Ces résultats ont été observés
autant chez les filles que les garçons.
Conclusion
Collectivement,
ces résultats sont cohérents avec ceux d’autres études sur le sujet (Mackett et
al., 2007; Page et al., 2009; Wen et al., 2009). Ainsi, il semble qu’en
augmentant la mobilité indépendante, il serait possible d’accroître la pratique
d’activités physiques. Cependant, pour développer des interventions efficaces
pour promouvoir la mobilité indépendante, une meilleure compréhension des
facteurs associés à ce concept sera nécessaire. Autrement dit, il faudra
déterminer ce qui distingue les jeunes qui ont un niveau plus élevé de mobilité
indépendante[ii].
C’est un sujet que j’ai l’intention d’explorer dans mes études futures. À
suivre…
Références
Gaster S. Urban children’s access to their
neighborhoods: changes over three generations. Environment and Behavior. 1991;23:70-85.
Hillman M, Adams J, Whitelegg J. One false move: a study of children’s independent mobility. London:
Policy Studies Institute; 1990.
Mackett R, Brown B, Gong Y. Children’s independent
mobility in the local environment. Built
Environment. 2007;33:454-468.
Page AS, Cooper AR, Griew P. Independent mobility in
relation to weekday and weekend physical activity in children aged 10-11 years:
the PEACH project. International Journal
of Behavioral Nutrition and Physical Activity. 2009;7:2.
Shaw B et al. Children’s independent mobility: A
comparative study in England and Germany (1971-2010). London: Policy Studies
Institute; 2013.
Stone MR, Faulkner GEJ, Mitra R, Buliung RN. The
freedom to explore: examining the influence of independent mobility on weekday,
weekend and after-school physical activity behaviour in children living in
urban and inner-suburban neighbourhoods of varying socioeconomic status. International Journal of Behavioral
Nutrition and Physical Activity. 2014;11:5.
Villanueva K et al. Where do children travel to and
what local opportunities are available? The relationship between neighborhood
destinations and children’s independent mobility. Environment and Behavior.
2012;45(6):679-705.
[i] L’accéléromètre permet
de quantifier l’intensité de l’activité physique et de déterminer le moment où
les activités ont été effectuées, avec une précision de 5 secondes dans le cas
présent.
[ii] Tout en contrôlant
statistiquement pour des variables possiblement confondantes comme l’âge et le
sexe.
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