Dans la littérature scientifique, il est de plus en plus clair que la distance est la principale barrière au transport actif. Par exemple, chez les jeunes, plus la distance entre l’école et la maison augmente, plus le pourcentage de jeunes qui vont à l’école à pieds ou à vélo diminue (Stewart et al., 2011; Wong et al., 2011).
Dans
ce contexte, nous avons récemment publié un article dans la revue Canadian Journal of Public Health qui
propose différentes façon de surmonter cette barrière d’après un modèle
socio-écologique (Larouche et al., 2013). Inspiré des travaux de Bronfenbrenner
(1979), ce genre de modèle est utilisé dans une variété de disciplines,
notamment en psychologie et en santé publique.
Le
concept clé à saisir est que le comportement d’un individu est déterminé par
les interactions entre différents niveaux d’influence. Ces niveaux incluent les
caractéristiques personnelles de l’individu (ex : sexe, âge, etc.), ses
proches (famille, amis), la communauté dans laquelle il vit, l’environnement bâti
et les politiques. J’ai reproduit
ci-dessous un modèle écologique simplifié tiré d'un chapitre de livre que j'ai publié en 2012.
Au
niveau individuel, il est possible que l’école soit située trop loin pour faire
le trajet au complet à pied ou à vélo, mais il est fort probable qu’il y ait
d’autres destinations situées plus près de la maison. Par exemple, un parc, un
terrain de sport, la maison d’un parent ou d’un ami, etc. En utilisant le
transport actif pour se rendre à ces destinations, les jeunes peuvent démontrer
à leurs parents qu’ils sont compétents pour se déplacer de façon sécuritaire.
Ce faisant, ils pourraient amener leurs parents à reconsidérer ce que constitue
une distance raisonnable.
Les
parents ont, bien entendu, un rôle très important à jouer dans le choix du mode
de transport utilisé par leurs enfants. Ceux qui reconduisent leurs enfants en
voiture pourraient se stationner à une distance où il est envisageable de
marcher pour le reste du trajet, et ensuite faire le reste du trajet à pied. Si
le manque de temps est un problème, ils pourraient faire équipe avec d’autres
parents. Le modelage est aussi très important : si les jeunes voient leurs
parents et amis se déplacer à pieds ou à vélo, ils seront plus susceptibles de
le faire également.
Au
niveau communautaire, les écoles primaires peuvent organiser des pédibus (soit
des groupes de jeunes qui marchent ensemble sous la supervision d’au moins un
adulte en suivant un trajet prédéterminé). Les pédibus peuvent permettre de
réduire les craintes des parents quant à la sécurité. Les écoles peuvent
également établir des partenariats avec d’autres institutions du quartier (ex :
magasins, églises, etc.) pour permettre le stationnement des voitures et
autobus à une distance « marchable » (par exemple 1 kilomètre).
Ensuite, les jeunes pourraient faire le reste du trajet à pied. Une telle
approche a été utilisée avec succès dans une intervention à Atlanta – qui est
loin d’être la mecque du transport actif.
Un
environnement bâti favorable peut contribuer à faciliter l’utilisation du
transport actif. Par exemple, lorsqu’il y a peu de circulation et
d’intersections dangereuses, les jeunes sont plus susceptibles de se rendre à
l’école à vélo. La présence de pistes cyclables et de sentiers
pédestres peut aussi faciliter le transport actif. Bien que ces mesures ne diminuent pas la distance en tant que telle, elles peuvent rendre le transport actif plus agréable et sécuritaire.
Au
niveau politique, les décisions concernant l’emplacement des écoles ont
évidemment un impact important sur la distance moyenne entre l’école et la
maison. Il en va ainsi pour les politiques de zonage qui déterminent dans quelle
mesure un quartier donné comporte presque exclusivement des maisons (ex :
les fameuses banlieue-dortoir) ou plutôt une variété de destinations
accessibles à pied ou à vélo. À cet égard, des lignes directrices ont été
développées pour faire en sorte que les décideurs prennent davantage en
considération les besoins qu’ont les jeunes de faire de l’exercice, de
développer leur autonomie et leur sens d’orientation et d’explorer leur quartier
(Gilbert & O’Brien, 2010).
En
conclusion, bien que la distance entre la maison et l’école soit la barrière au
transport actif la plus souvent mentionnée, il est tout à fait possible de la
surmonter. De plus, comme j’ai mentionné précédemment, il existe des
interactions entre les niveaux d’influence du modèle écologique. Bien que ces
interactions soient complexes sur le plan des analyses statistiques, le
principe est simple.
En
voici un exemple : supposons que l’adoption de politiques offrant
davantage de ressources aux écoles pour mettre en place des pédibus ferait en
sorte que les parents soient plus inclinés à autoriser leurs enfants à se
rendre à l’école à pied. (Il y aurait donc une interaction entre le niveau politique,
communautaire et interpersonnel). Ceci pourrait amener les jeunes à être plus
actifs physiquement, tout en réduisant les émissions de gaz à effet de serre et
de gaz d’échauffement associés au transport scolaire. (Donc les comportements
individuels auraient une influence sur la santé de la communauté).
Références
Bronfenbrenner
U. The ecology of human development:
experiments by nature and design. Cambridge, MA: Harvard University Press;
1979.
Gilbert, R., & O’Brien, C. (2010). Canadian child-
and youth-friendly land-use and transport planning guidelines. Winnipeg, MB: Centre
for Sustainable Transportation.
Larouche R, Barnes J, Tremblay MS. Too far to walk or bike?
Canadian Journal of Public Health. 2013;104(7):e487-e489.
Larouche, R. (2012).
The environmental and population health benefits of active transport: A review.
In G. Liu (Ed.) Greenhouse Gases –
Emissions, Measurement and Management (pp. 413-440). Rijeka,
Croatia:
InTech. http://www.intechopen.com/books/greenhouse-gases-emission-measurement-and-management/the-environmental-and-population-health-benefits-of-active-transport-a-review
Stewart O.
Findings from research on active transportation to school and implications for
Safe Routes to School programs. Journal
of Planning Literature. 2011;26(2):127-150.
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